À considérer l'hystérique ballet dans les médias, les réseaux sociaux (et même ici), autour de Dieudonné, de la quenelle, de celle d'Anelka (puis celle de Nasri... après le soutien de Rohff, on n'attend plus qu'Evra !), on en vient à se demander - tant tout ceci est aussi circonstanciel qu'artificiel - si le but de ce débat en bois - récurrent, indécent et sans effet sur la crise économique - n'est pas tout bêtement de générer un écran de fumée spectaculaire à même de reléguer au second plan un fait particulièrement grave et douloureux : des "milices", qui nous rappellent, comme chacun sait, "les heures les plus sombres de notre histoire, manifestement "communautaires", mandatées par on ne sait qui et assez peu condamnées officiellement, ont commis de véritables "ratonnades", des expéditions punitives, vengeresses et violentes dans la région lyonnaise ces derniers jours. En amont du déclenchement (le 27/12/13) de cette nouvelle polémique à propos de l'humoriste par...le ministre de l'Intérieur.
Au moment précis où ces ratonnades eussent dû faire la Une et lui les condamner, puis faire punir exemplairement leurs auteurs, Manuel Valls mentait à double titre : au bon sens du peuple français - en faisant de Dieudonné une question politique centrale - et à sa morale fondée sur l'égalité, en omettant sciemment d'évoquer ces ratonnades. Et leurs auteurs. Quand on est coupable mais du même côté que Manuel Valls, le Sarkozy sauce catalane, on a le droit de cogner en toute impunité sur des victimes par essence déconsidérées.
Des ratonnades commises sur les lieux de travail des victimes.
Des ratonnades clairement destinées à terroriser les lambdas qui se prennent en photo en train de réaliser une "quenelle". (Fut-ce ailleurs que devant une synagogue, une école juive ou un mémorial à la déportation, lieux ou symboles qui ne représentent, honnêtement, même pas un dixième des photos mises en ligne).
Des ratonnades qui s'ajoutent à des attaques tout à fait illégales, elles aussi peu dénoncées, contre le site Internet du comédien. En prime, le témoignage vantard du coupable dans les JT, complaisamment relayé et fier de dévoiler les noms et adresses d'abonnés du site. Pourquoi révéler leurs adresses si ce n'est pour indiquer où EXACTEMENT aller les agresser ? Et si quelqu'un révélait la sienne d'adresse, celle de parents proches, celle de son employeur (sûrement pas au courant de ses activités de loisirs dans la poucaverie) ?
Des ratonnades assorties médiatiquement, là aussi, de promesses tenues publiquement par de simples journalistes (celui de JSS News, en l'occurrence, le grand ami de Véronique Genest), d'aller parler aux patrons des quenelleurs... on se demande bien au nom de qui ? Et pour leur dire quoi ? Leur demander de virer ces gens ? De les punir ? De quelle façon ? Au nom de quel article du Droit du Travail (le seul à même de réglementer les relations entre un patron et ses employés). Et si le quenelleur recommence, même les crimes symboliques sécrètent de la récidive, on fait comment, on lui coupe le bras ? On torture sa mère devant lui jusqu'à ce qu'il remette ses mains dans ses poches ?
"Dans un pays où les indigènes durent l'occupation allemande écrivirent un si grand nombre de lettres de dénonciation, que les nazis les plus compétents et les mieux expérimentés en matière de cruauté et de crimes contre l'humanité en furent stupéfaits et même un peu jaloux...", chantait il y a quelques années Hubert-Félix Thiéfaine...
Dans un pays qui passe son temps à ne pas oublier la seconde guerre mondiale, le nazisme et Vichy, n'est-il pas troublant et inquiétant de voir réapparaître et encouragées puisque condamnées et fermement proscrites ni par les médias ni par les pouvoirs publics des pratiques comme la délation et l'appel à la justice sauvage ?
Des escadrons de justiciers violents qui n'ont rien à envier aux ligues factieuses des années 1930.
Dieudonné tient peut-être des propos "nauséabonds" (le nouvel adjectif lettré chez les cuistres), mais, de notoriété publique - sinon vous le sauriez, pensez !, vous qui êtes même tenus au courant des échanges de mails privés de l'artiste ou de sa compagne - lui et ses fans ont-ils un jour commandité, planifié et exécuté une expédition punitive contre tel ou tel de leurs supposées bêtes noires ? Au contraire, le comédien qui s'occupe de la régie dans ses spectacles, le Romain Bouteille sans culot Jacky Sigaux, s'est fait lui aussi tabasser mi décembre.
N'y a-t-il pas, d'ailleurs, quelque lâcheté de la part de ces "anti-quenelleurs" à ne s'attaquer physiquement qu'à des sans grades sans grand moyen de défense ? Iraient-ils frotter leur agressif besoin de "justice" au kimono calme et ample de Teddy Riner ? En one to one.
Qu'est-ce qui est le plus grave : prononcer une phrase "raciste" (dont le taux de nocivité reste à évaluer, Dieudonné a bien été condamné six ou sept fois, mais relaxé à tellement d'autres reprises) ou tabasser impunément son auteur en se substituant à la Justice ?
Ou offrir en pâture aux pires freaks détraqués l'adresse d'un "antisémite", d'un "antisioniste", ou celle d'un pauvre type humilié et en colère qui d'une quenelle a soulagé sa détresse d'inexaucé ?
Qui décide du racisme d'une phrase ou d'un geste ? Le ministre de l'Intérieur ? La Justice indépendante ? Les associations antiracistes à indignations sélectives ? Les éditorialistes d'une presse qui n'est plus lue que par les élites, parce que pour elles elle est gratuite ? Les lanceurs d'éléments de langage se faisant passer pour des citoyens courroucés ? Les élaborateurs de sondages, si fortiches dans l'art de spécieusement poser les questions et particulièrement raffinés dans celui d'établir des panels de sondés et de réponses à imposer, en prétendant, scientifiquement, les proposer.
Qui juge et qui condamne ?
Qui doit faire appliquer la loi ?
Mieux vaut pour toutes et tous que ce soit la Justice, libre, indépendante et exclusivement soucieuse de l'intérêt général.
Photo - dr Texte - G.P.