Le 13 décembre dernier, le tribunal correctionnel de Paris a condamné Me Robert Bourgi à 1000 euros d’amende pour avoir diffamé l’ancien président du Front national, Jean-Marie Le Pen, qu’il a accusé d’avoir bénéficié de financements occultes de la part d’Omar Bongo Ondimba.
Très proche de Nicolas Sarkozy et de plusieurs dirigeants africains, l’avocat franco-libanais devra en outre verser à Jean-Marie Le Pen la somme de 5000 euros de dommages et intérêts. Certes, les allégations de Me Bourgi n’ont été soutenues par aucune preuve matérielle ou formelle, toutefois, il est bien connu qu’en matière d’argent, les sommes perçues en liquide ne laissent jamais de traces. Et c’est sans doute pour cela que Jean-Marie Le Pen, avec le cynisme et l’hypocrisie qu’on lui connait, a cru pouvoir s’offrir une victoire facile devant les tribunaux. Pour autant, la décision de la justice française n’effacera pas de la mémoire collective franco-africaine une réalité connue de tous : Omar Bongo Ondimba a financé pendant de très longues années les acteurs politiques français, de l’extrême gauche à l’extrême droite, en passant par le centre. Et ces pratiques ont d’ailleurs été confirmées par Jean Eyéghé Ndong, un ancien Premier-ministre d’Omar Bongo Ondimba, dans une interview accordée le 28/11/2011 au journaliste français de RFI, Olivier Rogez. Extraits : « C’était une pratique courante, entre le président de la République gabonaise et certaines autorités françaises. » (…) « Moi, je sais qu’il m’a fait la gentillesse de me dire un jour qu’il a eu quelques gentillesses avec le président de l’extrême droite française. » Au cours du même entretien, il cite Omar Bongo Ondimba, à propos de Le Pen : « Ce monsieur, pourtant il est raciste, mais il n’empêche que je lui ai fait cette gentillesse de valises d’argent. » Sans commentaire !
Le 18 décembre dernier, lorsque nous avons évoqué avec lui le procès qui venait de se tenir à Paris, Jean Eyéghé Ndong est resté formel dans ses déclarations : « Je ne voudrais pas faire d’ingérence dans une décision rendue par la justice française, mais puisque l’on parle du Gabon, je veux juste me permettre de rappeler aux uns et aux autres que le président Omar Bongo Ondimba m’avait confié à deux reprises qu’il avait aidé financièrement M. Jean-Marie Le Pen et bien d’autres animateurs de la vie politique française… Dans cette affaire, je voudrais prendre M. Bourgi au mot, lui qui parlait de ‘‘Printemps africain’’, en lui demandant, s’il le peut, d’aider à faire cesser ces pratiques. »
S’agissant des enregistrements vidéos que le président Bongo Ondimba aurait confiés à certains des ses proches, l’ancien Premier ministre dit ne rien savoir à ce sujet. En revanche, Mike Jocktane, un ex-directeur de cabinet adjoint d’Omar Bongo Ondimba se montre moins catégorique sur la question, donnant l’impression d’en savoir un peu plus : « Des cassettes, il y en a probablement, et certains pourraient avoir des surprises un jour. Quant à ce qui est du financement de M. Jean-Marie Le Pen par le président Omar Bongo, la question ne se pose même pas, c’est une évidence ». La « françafrique » serait-elle en train de commencer à livrer ses secrets ? Seul l’avenir nous le dira…
Photo - dr Texte - Denis-Bastien Kombila