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Le Gri-Gri International

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7 jours loin du monde - épisode 17 - Jérôme Reijasse (Mishima, un mariage en province, un groupe de rock de bal, Jean-Michel, 1 kilo de coke dans un ascenseur, une blague autoroutière de Mano)

Publié par Jérôme Reijasse www.legrigriinternational.com sur 3 Septembre 2011, 10:00am

Catégories : #Jérôme Reijasse 7 jours loin du monde

Reijasse 7 jours Mishima 31 aout 2011 

Jérôme Reijasse n'a peut-être même pas 40 ans. Supporter du PSG, donc homme déçu. Écrivain (Parc). Journaliste chez Rock'n Folk. Traducteur pour les rockeurs à la télé. Lyrique. Exalté. Capable de trouver des raisons de vivre valables dans un groupe ou un artiste encore incontrôlé. Proposera chaque lundi (même si des fois ça tombe le mardi ou le mercredi) désormais ses 7 Jours loin du monde aux lecteurs du Gri-Gri.

Semaine vraiment loin du monde.
À Nantes, Loire-Atlantique ou Bretagne. Les couillons ont toujours le choix.
En fait, dans un village à 20 minutes. Le genre de village traversé par une unique route, qui toujours nous dévoile la mairie, l'église, le stade, la déchetterie et les quelques magasins encore vivants.
Là, un mariage.
Avec des mariés qui s'aiment, indéniablement.
J'arrive jeudi, l'air renfrogné, déjà fatigué, pas envie, je rate le match retour d'Europa League du PSG et celui en championnat contre Toulouse dimanche. Tout ça pour accompagner des humains vers leur bonheur. Quelle drôle d'idée.
Dans le train, je lis une biographie de Mishima qui vient de sortir en poche. Je connaissais un peu l'écrivain japonais, j'avais lu Chevaux Échappés et maté l'excellent biopic de Schrader. On m'avait instruit sur son hyperactivité, son homosexualité, son nationalisme, sa décapitation finale. Mais le plus monstrueux, le plus vertigineux, le plus incroyable dans l'existence du petit Nippon (il faisait moins de 1 m 65), c'est son enfance. Enlevé par sa grand-mère à la naissance, il passe les premières années de sa vie dans la chambre de la mémé voleuse, sans avoir le droit de parler, à jouer en silence, sans camarade ni marque d'affection ni fenêtre ouverte. Sa mère ne peut le voir, le toucher uniquement quand elle l'allaite, surveillée de près par la vieille, qui, une fois le lait avalé, reprend l'enfant pour s'enfermer à double tour. Le père ne dit rien, il préfère profiter de son travail pour ne jamais être là, boire et jouer. Mishima grandit comme il peut, il lit beaucoup, aide mémé, hystérique et malade et se passionne pour Jeanne D'Arc. Qu'il ne voudra plus jamais croiser en lecture quand il apprendra qu'en fait, c'est une... femme. Chêtif, presque diaphane, il rêve, avant même son premier poil pubien, de mourir percé de flèches et fantasme en général sur la mort violente et précoce. Il a pondu des dizaines de livres (du roman culte et ardu à celui de gare), pièces de théâtre, articles, essais, il a joué au cinéma, souvent des voyous ratés, s'est passionné pour le body building, a porté des chemises hawaïennes, haï Paris avant de l'aimer de tout son coeur, avoué préférer Mussolini à Hitler pour finalement se suicider quasiment en direct à la télévision nationale en 1970, après un discours inaudible pour les soldats et les curieux massés en bas de l'immeuble où lui et sa petite armée avaient pris en otage un général dont j'ai déjà oublié le nom, parce qu'il avait simplement, lui l'amateur d'organisation serrée, omis de se munir d'un porte-voix. Con. Le livre est très bien documenté et donne envie de se taper l'intégrale de la chose, c'est à dire une quarantaine de romans. Pas gagné.
Ah oui, le mariage...
Je ne dirai pas tout.
Il y a eu des attractions ridicules, sorties d'une dimension parallèle où il ne faudra plus jamais mettre les pieds, quelques invités avinés, tellement vulgaires et bruyants que même une rafale de balles creuses n'auraient pas su effacer leur trace. Il y a eu un orchestre de bal qui se prenait pour un groupe de rock. J'ai noté son nom : Omnibus. Bassiste franchement valable, guitariste-chanteur mou du riff et voix ratée et une chanteuse enjouée, remuant comme une pub des années 80. Son répertoire à Omnibus ? Presque rien. Pas les bons tubes. Jamais. En guise de conclusion, la chanteuse lance à une salle déjà lugubre un “On se quitte avec un rock ?” qui provoque un silence désagréable et trop long. Un timide et plus qu'isolé “Non !” ne suffit pas ensuite. Le groupe se lance tout de même dans une reprise de Téléphone. Encore froid dans le dos trois jours plus tard.
Il y a eu de jolis moments aussi, bien sûr. L'accueil des mariés et des familles, à la générosité simple et pas négociable. Aussi la rencontre du colosse sudiste Jean-Michel, ancien sommelier aujourd'hui dans le business de l'ascenseur, qui racontait qu'un jour où il devait vérifier le bon fonctionnement d'un appareil dans un immeuble de Marseille, il trouva dans la cage un kilo de coke et un AK-47, Valérie et son fauteuil roulant définitif, qui, derrière un masque de froideur distante, cachait un humour corrosif et parfait ou quand Mano, lui aussi convié, faillit m'arracher l'estomac avec une blague autoroutière sur Gilbert Montagné.
Une certitude également, après ce périple provincial.
Paris est une poubelle.
Et je compte bien y mourir.
Photo & texte - Jérôme Reijasse
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