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Le Gri-Gri International

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7 jours loin du monde - #38 - Jérôme Reijasse : Salopes ! Vautours ! Vainqueurs !

Publié par Jérôme Reijasse www.legrigriinternational.com sur 11 Mai 2012, 12:08pm

Catégories : #Jérôme Reijasse 7 jours loin du monde

Reijasse 7 JOURS # 38 www.legrigriinternational.com

Jérôme Reijasse n'a peut-être même pas 40 ans. Supporter du PSG, donc homme déçu. Écrivain (Parc). Journaliste chez Rock'n Folk. Traducteur pour les rockeurs à la télé. Météorique rédacteur en chef d'une émission culturelle quotidienne. Lyrique. Exalté. Capable de trouver des raisons de vivre valables dans un groupe ou un artiste encore incontrôlé. Proposera chaque lundi (même si des fois ça tombe le mardi ou le mercredi) désormais ses 7 Jours loin du monde aux lecteurs du Gri-Gri.

Le Gri-Gri a bien failli en crever. Pratiquement un mois sans ma chronique. Des millions de messages ont réclamé son retour. Jérôme Reijasse mégalo dégueulasse, roi des chevilles hypertrophiées ? Même pas. Dans certains pays africains que je préfère ne pas citer pour ne pas aggraver la situation, on aurait frôlé la guerre civile. “Rendez-nous 7 Jours Loin du Monde”, hurlait-on, les bras tendus vers le ciel, la AK47 sensible et les larmes à peine contenues. Du côté de la France, des rumeurs racontent que pas mal de citoyens auraient sciemment boycotté le vote présidentiel le week-end dernier en guise de protestation. Grégory Protche, dictateur en chef, décide alors de m'appeler : “Jérôme, écris, bordel ! L'équilibre planétaire en dépend ! T'es con ou quoi ???”. Moi : “Greg, je n'y arrive plus. Pas envie. Vide, sec, noir. Et puis, le monde peut bien crever. Je n'en attend plus rien. Et oui, je suis con.” Mais Grégory insiste, menace même de s'abonner au vélodrome (si, ce stade sudiste vide où des nains essayent sans succès de rattraper un ballon depuis déjà de longs mois). Je me défend comme je peux : “Greg, je suis fatigué, lessivé. Écrire et pourquoi ? Je pensais avoir des idées, pire, des convictions. J'ai compris dernièrement qu'en fait, tout ça, c'était du vent, un pet à l'écho ridicule. Je suis le néant, je suis un ours qui ne voudrait plus qu'hiberner. Je préfère désormais lire la prose des autres, mes lettres hésitent avant de s'écraser, elles ne veulent plus exister, simplement dormir, longtemps. Toujours ?” Grégory se marre, me propose une augmentation proprement scandaleuse et un appartement de fonction, avec vue sur la mer, 5 pièces, jaccuzi, terrasse. Une voiture avec chauffeur mexicain, un abonnement éternel à Télé Z (notre collaborateur a mal compris, c'était en fait à Télé Poche, ndlr), une pute vierge, des drogues pas encore répertoriées, un dvd du dernier spectacle de Popeck. Mais moi, fier, honorable, incorruptible, en mission, je préfère lui raccrocher au nez après un “On ne m'achète pas, Monsieur Protche !” Il a quand même bien failli m'avoir avec le dvd. Mais il faut être fort. “Un homme, ça s'empêche” rappelait en avril chez Taddéi je ne sais plus qui. Tillinac peut-être.
Amis africains, abstentionnistes hexagonaux, veuillez pardonner ma faiblesse, ma panne, mon vide. Veuillez faire preuve de charité, rangez vos armes, séchez vos pleurs (et continuez surtout à ne pas aller aux urnes, ce mythe pour ceux qui vivent bien et qui pensent mal), épargnez moi, je vous en supplie ! Je ne veux plus écrire. Ce n'est même plus de la paresse. C'est la fin des haricots (les verts, les rouges, les blancs, tous), le baroud d'honneur, sans baroud ni honneur. C'est la merde.
Il y a une vingtaine, trentaine de jours, je voulais raconter cet infime espoir ressenti au Parc un dimanche soir quand quelques anciens ultras (les nouveaux n'en sont pas) ont scandé, alors que gignac s'échauffait, un extraordinaire “Un BigMac pour gignac !”, suivi de près par un amusant “et brandao est un violeur !”. Mais non. Parce que, ce soir-là, si marseille avait gagné, je n'en aurais rien eu à foutre. Comme pour montpellier. Ils seront champions. Je le souhaite. Pour que les nouveaux abonnés soient écoeurés, pour que les nouveaux patrons du PSG soient énervés, pour que je puisse enfin faire mon deuil dans des conditions acceptables. Je voulais aussi parler d'un mail de mon Club qui me proposait cette semaine de me réabonner en priorité, à condition de raquer 20% plus cher, à condition de reprendre en pleine gueule et en plein coeur l'humiliation des placements aléatoires. À condition enfin d'aller au SDF mater les matchs européens l'année prochaine. Salopes ! Vautours ! Vainqueurs ! C'est bon. Je me casse. Karim, je le sais, là, en lisant, tu ris. Tu te dis que je vais encore me parjurer et repayer pour aller cracher mon dégoût l'année prochaine au Parc. Mais non mon ami. Je crois que le PSG maintenant, à moins d'un séisme au minimum nippon, ce sera à la télé. Comme un con, comme un beauf, comme la majorité. La même qui pense qu'hollande est de gauche, que marine le pen est fasciste, que mélenchon a une âme. Karim, qui balance en boucles ces derniers temps, peu importe le sujet, comme un mantra hilarant : “Hé, ce n'est que du sport, mec !” Encore !
Il ne faudra plus écrire. J'ai lu un bouquin de Patrick Besson que je ne connaissais pas, Julius et Issac, qui m'attendait, pour deux euros, chez mon bouquiniste boulevard Voltaire. Et qui relate l'histoire d'un vieux juif communiste américain en goguette à Paris dans les années 50. Une histoire d'amour et de vengeance. Formidable. J'ai lu aussi les mémoires de la femme de Lino Ventura. Odette. Il y a de tout, des anecdotes qui entretiennent la légende du Rital ancien catcheur, presque devenu acteur par hasard et qui n'embrassa qu'une seule fois devant la caméra, des contradictions qui renforcent le témoignage, même des recettes de cuisine. On ne parle pas ici de littérature. Mais encore d'amour, celui qui dure, 50 piges. Odette ne repeint pas toujours la réalité. Elle devine des maîtresses. Elle écrit “Je crois qu'un homme marié depuis sa jeunesse à la même femme a non seulement le droit, mais, je dirai, le devoir de faire des comparaisons. Si Lino en a fait, ce que je souhaite, j'observe simplement qu'il est toujours resté auprès de moi et des enfants.” Et toc ! Bien joué Odette. Je voulais aussi écrire sur mon projet de court-métrage. J'ai déjà pondu la scène. Burgalat m'a donné son accord pour en écrire l'unique chanson mais il refuse de jouer les acteurs. J'espère pouvoir le convaincre. Important. L'histoire tourne autour d'une apocalypse dans une pizzéria parisienne tenue par un Égyptien qui se prend pour un Napolitain. Là, dans un décor sordide, un homme écoute un chanteur. Et il pleure. Et il sait qu'il va crever mais cette chanson lui fait du bien. Il y aura aussi un petit oiseau en dessin animé qui viendra siffler le dernier refrain sur l'épaule de Burgalat, un homme qui s'effondre dans ses carbonara, de la cocaïne de mauvaise qualité (en gros, du speed), une sirène (pas le poisson, l'alarme !) qui annoncera la fin de tout. Je voulais écrire sur mon fils. Sur le temps, les gens, les nuages et les maladies mais j'ai préféré ne rien faire. Je voulais crier mon enthousiasme concernant le groupe américain Crocodiles, qui sort en mai son troisième album, Endless Flowers. Mais non. Je préfère mettre un lien avec leur dernier clip (clip, le mot le plus con du monde !). Hier, j'ai rappelé Greg. “Tu me le files, ce dvd de Popeck ?”. Il a dit oui.

Texte & photo - Jérôme Reijasse

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