Dans son Bloc-notes, sur www.montraykreyol.org, l'écrivain et essayiste Raphaël Confiant vient de publier un texte dont nous nous permettons de republier de larges extraits... en vous encourageant à aller en lire l'intégralité, ainsi que d'autres interventions de Confiant, toujours passionnantes et stimulantes.
Apparemment, il n’y a pas que Nicolas Sarkozy à avoir urgemment besoin d’un petit cours d’histoire africaine. Au moins le président français a-t-il des circonstances atténuantes en tant que descendant de Hongrois puisque ces derniers, à ma connaissance en tout cas, n’ont jamais colonisé un seul centimètre du territoire africain. Mais lorsqu’on entend Barack Obama, en visite au Ghana, déclarer tout sourire que « L’Occident n’est pas responsable de la situation du Zimbabwe ! », on est quand même en droit de se poser un certain nombre de questions venant d’un homme dont le père était kenyan et donc africain. (...) Car enfin, quoi ? Cela fait 2 siècles et demi que l’Occident ne cesse d’agresser le Zimbabwe, de le coloniser, de l’exploiter ! (...)
De 1979 à 2000 : pendant 20 ans, Robert Mugabe, premier Ministre, a joué le jeu. Pendant 20 ans, soit davantage que ne le prévoyaient les accords de Lancaster House, il a maintenu des postes réservés pour les députés blancs et il n’a pas touché à la terre. Oui, 20 ans ! Et pendant toutes ces années, l’Occident ne tarissait pas d’éloges sur lui. Sauf que malgré toute la bonne volonté de Mugabe, le peuple zimbabwéen croupissait dans la misère la plus crasse. Sauf que l’immense majorité de la population était exclue du foncier arable. Sauf que l’apartheid, non officiel, continuait de plus belle, Noirs et Blancs vivant toujours dans des quartiers séparés, fréquentant des écoles séparées etc… Sauf que des révoltes éclataient ici et là. Non pas cette fois contre un pouvoir blanc raciste, mais contre un pouvoir noir qui ne faisait pas suffisamment d’efforts pour changer le sort du plus grand nombre. Sauf que la minorité blanche continuait à vivre dans l’opulence comme si rien ne s’était passé ! (...)
1992 : Mugabe bouge enfin ! Il commence à exproprier des fermiers blancs. Aussitôt, l’Occident se met à pousser des cris d’orfraie. Mugabe persiste : 6 millions d’hectares sont distribués à 200.000 familles noires. Londres et Washington crient à la dictature communiste ! Le Zimbabwe est placé sous embargo strict. Rien à voir cette fois avec l’embargo « light » qu’avait affronté la Rhodésie raciste de Ian Smith.
1993 : l’économie du Zimbabwe, frappée de plein fouet, commence à s’effondrer inexorablement.
Comment donc Barack Obama peut-il déclarer froidement que l’Occident n’est pas responsable de la situation du Zimbabwe ? Quand c’est Sarkozy qui dit la même chose, tout le monde, à commencer par les afrocentristes et autres négristes, lui tombent dessus à bras raccourcis. Si je comprends bien, puisqu’un Nègre dirige l’Empire, il est désormais interdit de critiquer ledit Empire ? (...) Certes, Mugabe a des torts, certes il est passé de l’état de guérillero héroïque à celui de tyran à demi-sénile, certes il a encouragé une bourgeoisie noire rapace et uniquement préoccupée de prendre la place des Blancs. Certes…Certes…
Mais c’est l’Occident qui a colonisé le Zimbabwe en 1888. C’est l’Angleterre qui a permis l’instauration d’un régime raciste dans ce pays et qui a bénéficié de ses énormes richesses minières. C’est l’Occident qui a fourni des armes sophistiquées à Ian Smith pour tenter d’écraser la guérilla noire, faisant 30.000 morts au passage. Et c’est aussi l’Angleterre qui a refusé d’appliquer les accords de Lancaster House de 1979. Car, au fond, tout ce qui se passe ces dernières années vient de ce refus. L’Angleterre était tenue d’indemniser ses propres colons. C’était écrit noir sur blanc dans le texte de Lancaster House. Or, elle a violé sa signature et n’a pas déboursé un centime, obligeant Mugabe à expulser les fermiers blancs par la force. Et cette indemnisation devait commencer 7 ans après l’indépendance, or Mugabe a eut la patience d’attendre durant 20 ans que les Anglais respectent leur parole, eux si à cheval soi-disant sur les lois. Donc venir aujourd’hui accabler Mugabe de tous les maux et déclarer froidement que l’Occident n’est pas responsable de la situation du Zimbabwe, c’est soit une preuve d’ignorance abyssale soit afficher de la condescendance, voire du mépris, envers les Zimbabwéens.
Non, messieurs les afrocentristes et négristes, l’Empire, les Etats-Unis, ne seront jamais notre ami. Ne seront jamais l’ami d’aucun pays du Sud. Sauf le jour où ils cesseront d’être un empire…
Photo - dr Texte - Raphaël Confiant