
La situation insoutenable des migrants à Calais a fini par attirer l’attention des No Border, qui ont décidé de tenir un camp dans la cité des 6 Bourgeois du 23 au 29 juin, avec en point d'orgue une grande manifestation le samedi 27.
Après l’éclairage médiatique apporté par le film Welcome cet hiver, les Calaisiens, dans leur majorité touchés par ce drame humanitaire, auraient pu s’allier aux militants pour dénoncer le tout-répressif, et réclamer des solutions durables pour les réfugiés. Une probabilité bien sentie par les pouvoirs publics qui ont dès l’annonce de l’événement employé les grands moyens pour éviter une telle solidarité. Côté médias, la Voix du Nord et son rejeton Nord Littoral ont préparé le terrain : les No Border sont devenus des agités d’ultra gauche, ultra violents. Et l’ultra n’importe quoi de s’ensuivre. Notre Nadine Morano locale, le maire, Natacha Bouchart, a donné le la. La blonde "U-M-Pette", qui a ravit le bastion communiste aux dernières municipales, a voulu interdire les marchés, les brocantes, la fête de la musique, les kermesses… Puis devant l’énormité d’un tel arrêté, a seulement « conseillé » aux organisateurs de supprimer ou reporter leurs projets.

Une terreur savamment distillée en l’absence de presse locale indépendante, en témoigne l’obéissance des décideurs concernant les annulations, mais aussi les arrêts de travail déposés par les plus impressionnables, persuadés de risquer leur vie en sortant pendant la semaine du camp. Entendu, pour de vrai : « Ma chérie, ne viens pas ici la semaine prochaine, des snow-boarders viennent pour tout péter…» ; et ma préférée : « Maman, je n’irais pas à l’école demain, ya des noborder qui viennent pour faire la guerre aux clodos ! » En fouillant un peu, il s’avéra que les clodos signifiaient les réfugiés, et que c’est un surveillant du collège qui répandait cette rumeur, sans y croire lui-même espérerais-je… Le triomphe de la désinformation, en vivant et en direct. Pour la psychose, le décor était planté : à pied, à cheval, en fourgon blindé, en hélicoptère, impossible d’échapper aux uniformes. Pour certains, ils se demandent eux-mêmes ce qu’ils font là. 62 compagnies, qui s’ajoutent aux déjà nombreux hommes des forces de l’ordre locales, pour une ville de 80.000 habitants…et 4 à 500 No Border.

En cette période troublée, impossible d’échapper aux contrôles d’identité. Au milieu d’une centaine de CRS, sous leurs hélicos, je me crois à Chicago. En 18 ans de vie calaisienne les seules fois où j’avais été approchée par des policiers c’était pour discuter quand nous faisions la queue ensemble à la caisse d’un cash and carry. Une de nos spécialités locales, d'immenses entrepôts bourrés d’alcool à prix détaxé et réservés aux Anglais. Dites "hello" en arrivant au lieu de bonjour, et tout se passera bien. À moins que cela ait beaucoup changé depuis mes folles années. Mais revenons à nos moutons – retenez quand même le tuyau hein, si vous passez dans le coin, voilà un truc plus sympa que les fricadelles –, les bien-nommés Calaisiens, qui m’apprennent le mardi que les No Border ont attaqué une banque. Entre intellos, on se marre franchement ce coup-ci. Le mercredi c’est le centre commercial qui aurait été entièrement détruit. Bullshit. Hormis les 30 CRS à chaque porte, il n’y a rien de changé.
Sur le camp, établi dans un parc d'un quartier populaire, pour l'instant, c'est plutôt Woodstock... En ville, ambiance 3ème guerre mondiale imminente. Wait and see. (Troisième et dernier volet, demain)
Texte & Photos - Llinga Saint-Aimé