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Le Gri-Gri International

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Littérature - Politique - Philosophie - Histoire - Sports - Économie


#Hommage / A 22 ans, j'adaptais, mettais en scène et jouais Sula, d'après Toni Morrison

Publié par Maimouna Coulibaly, Gri-Gri International sur 18 Août 2019, 00:38am

Catégories : #Littérature, #Dom-Tom - Caraïbes & Amériques, #Hommage

 

Une amie du Gri-Gri, la danseuse-chorégraphe-prof-ambianceuse-comédienne et créatrice de la Booty Thérapy, Maimouna Coulibaly, a publié sur son Facebook un hommage à sa façon à la romancière récemment disparue Toni Morrisson.

12 août, 10:32

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A mes 22 ans, je mettais en scène et je jouais le rôle principal d'un de ses romans, Sula. Je l'avais adapté en pièce de théâtre à la machine à écrire... Et oui à l'ancienne, dans ma chambre universitaire quand j'avais décidé d'arrêter mes études d'LEA (Langues Etrangères Appliquées). Etudes que j'avais choisies juste pour partir de chez moi, de ma cité et pour avoir ma liberté. Cette liberté, je l'ai payé très chère.

Mais ça, c'est une autre histoire.

Aujourd'hui, j'ai 44 ans.
Elle en a 88 et n'est plus.
Toni Morrison m'a donné la force de croire en moi et a su remplir les gros vides qu’il y avait entre ma culture malienne et ma culture française, que ni la télé, ni mes parents et ni l'école, en laquelle mes parents avaient une confiance aveugle, n'ont su combler. Je n'étais à ma place nulle part. En lisant ses romans, Toni Morrison a bouché tous les trous.
2h avant d'apprendre la nouvelle, j'ai eu une grosse crise de larmes, dûe :
- A cette angine carabinée qui me cloue au lit depuis 3 jours, qui m'empêche de manger et de boire? 
- Le trop plein de toutes les tensions que j'ai dû porter tout au long de cette année de changements extrêmes? 
- Le fait de voir cette histoire de grossesse interminable dans The Handmaid's Tale ? 
- Ou de sentir que quelque chose de tragique venait de se produire?
Je ne sais pas. 
Quand ma soeur, qui sait que je suis une de ses plus grandes fans, m'a envoyé l'article qui annonçait sa mort, j'ai eu comme un gros coups au coeur et à la fois, ça semblait tellement évident.
Je suis tellement étonnée que tellement de monde la connaisse. Je ne savais pas, vraiment. Tous ces partages. Tous ces coeurs et ces larmes. Je ne m'en rendais vraiment pas compte.
Maintenant que je vois qu'on est assez nombreux, je pense qu'il est temps de (re)suggérer l'oeuvre de Toni Morrison au programme des lycées.
Il y a de ces tabous qu'on n'ose pas aborder, qui sont essentiels à l'équilibre des choses. Toni Morrison y plonge dans chacun de ses romans.
J'ai découvert Beloved au hasard dans un magasin, quand j'avais 17 ans, parce que la couverture me plaisait énormément.
Amkoullel l'enfant Peul de Amadou Hampaté Bâ est le premier livre que j'ai lu de ma scolarité, à 17 ans. Il m'avait été offert par ma prof d'espagnol, Madame Pissavy, du Lycée Corot à Savigny s/orge, qui me voyait dépérir dans ma vie déjà faite de drames au féminin, et aussi dans ce système scolaire pas du tout adapté aux françaises comme moi. C'est à ce moment-là que je me suis enfin intéressée à la Littérature. Parce que pour moi, ce qu'il y avait au programme parlait de tout sauf de mon histoire. J'apparaissais nulle part, sauf quand il fallait parler d'esclaves ou de mangeurs d'insectes.
Quand une bibliothécaire m'a appelé pour me commander un spectacle sur la Littérature Afro-Américaine, j'en ai profité pour plonger dans cette riche culture afro-américaine, de James Baldwin à Richard Wright, en passant par Iceberg Slim, Billie Holiday, Spike Lee et bien sûr Toni Morrison. Avec Tania et Néva, nous l'avons joué dans des bibliothèques, lycées, bars...
J'ai même été contactée par une prof de français dans le Jura en 2006, car Sula était au programme pour les Terminales Littéraire en option légère. On avait fait tout un travail avec les lycéens. Je leur ai exposé ma vision des choses, le travail d'adaptation, avec les comédiens, ils me posaient des questions...
La prof qui m'avait invité me disait que c'était la seule année où ça allait être le cas. Apparemment, c'était trop violent pour certains parents.
Je ne pense pas qu'un de ses romans, alors qu'elle est Prix Nobel de la Littérature, n'a été remis au programme.
Il est temps.
Dans mes contacts, j'ai des intellectuelles, des journalistes, des passionnées de littérature, des avocates, des autrices, des profs, des organisatrices de nature, des photographes, des actrices, des politiques, des curieuses... Et la même chose au masculin, en plus 😉 . C'est assez simple pour mettre ça en place, je suis sûre. Si vous avez du temps pour les générations qui nous suivent, si vous avez de la considération pour la paix intérieur de beaucoup d'entre nous, de la foi pour que les choses se fassent réellement, si vous avez envie de vraiment faire bouger les choses, envie de rendre hommage à Toni Morrison, d'une façon positive et concrète. Organisons-nous, montons un collectif et allons présenter ça aux personnes qui font nos programmes. ça sauverait beaucoup de vies et dans tous les camps. On aura plus de personnes averties et moins de racistes, avec toutes les connaissances incroyables que Toni Morrison nous a livré à travers ses 11 romans écrits en 60 ans, sans compter, les essais, livres pour enfants et pièces de théâtre.

 


 

Bonus :

 

1) Mon dernier clip Transcendance tournée à Los Angeles en Février 2019 se termine sur l'un de ses mantras: "You want to fly, you got to give up the thing that weighs you down" extrait du livre La Chanson de Salomon.
Cette année, j'ai décidé de passer à l'action. Who's in ?

 

 

 

2) Mon histoire avec Sula : 
Extraits d'un post déjà existant sur un voyage dans le Mississippi avec Hawa des Ambianceuses, Gaëlle Prudencio la Bloggeuse et Bootykilleuse et Kimara Dixon, le réalisateur du film Someplace Else qu’on a tourné à cette occasion.

 

(...) La dame qui nous invite dans son émission, tenait à nous accueillir chez elle. Une maison mi-occidentale, mi-africaine… Vraiment étrange et mystique. Cette femme nous montre en quoi elle se sent africaine, et nous parle de toutes ces femmes Afro-Américaines qui ont participé à la libération des esclaves, aux droits des Noirs aux USA… Dans tout ce qu'elle raconte, j'ai une montée en moi qui pousse avec tous ces souvenirs de Sula, le roman de Toni Morrison que j'ai adapté, mis en scène, chorégraphie et joué avec une troupe de 13 comédiens, musiciens et danseurs, quand j'avais 22 ans !
De monter cette pièce qui ne parlait que des Afro-Américains des années 10 aux années 60 à travers 2 femmes, sonnait comme une évidence à ce moment-là alors que je n'avais pas mis un pied aux USA…
Mon copain de l'époque me reprochait de mettre en scène une histoire Afro-Américaine au lieu d'une Africaine purement…
Je ne sais pas pourquoi, ces histoires me touchaient beaucoup plus. Comme si je devais être d'une certaine manière une porte-parole.
J'ai monté cette pièce pendant 2 ans avec une dizaine de représentations. Entre temps, j'ai fait mon premier voyage au Mali en temps qu'adulte. Et j'y ai pris une sacrée claque… Pleins de choses mystiques qui se passaient dans Sula que je ne comprenais pas, prenaient tout d'un coup un sens énorme !!! C'était évident de voir à quel point l'Afrique est tellement présente chez les Afro-américains, dans la culture, dans la nourriture, dans les codes…
De se rendre compte de ça à cet âge était quelque chose d'exceptionnel.
Cette dame qui nous a accueillies chez elle avant l'émission disait qu'elle se sentait malienne, qu'elle ressentait que ces ancêtres venaient du Mali… (...)
22 44 88

 

3) Ma bio-vidéo :

L'Affaire Maimouna, another Paris character

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