Enfin des sketches, des sketches écrits. Une comédienne pour les interpréter. Une scénographie - minimale, en raison de l'étroitesse de la scène (en gros un petit podium pour strip-teaseuse, avec fauteuils couleur lupanar, et plafond tout près où scintillent quelques ampoules). Des sketches appuyés sur des personnages. Des personnages caricaturés mais pas caricaturaux, car, pour une fois, originaux… Et précis. Jusqu'aux interjections, mimiques, tchips et jurons. Du rythme et des mélodies différentes selon les personnages. Pas un stand-up ethnique, communautaire, auto-dérisoire et faussement improvisé sur un canevas si rebattu que même les "Blancs" peuvent en deviner les ornières, les culs de sac et les impasses. Tatiana Rojo est ivoirienne. Elle ne fait pas "l'Ivoirienne". Elle est drôle et talentueuse. Pas juste marrante comme une copine effrontée qui connaît du monde dans le métier.
Elle commence le show dans la peau de sa palabreuse Bété de maman : matérialiste, lyrique, insatisfaite, inconsolable d'avoir mis au monde une Amou Tati capable de se dénicher un "Toubabou" décroissant, économe et marcheur-randonneur, qui lui fera traverser le continent puis la France à pied, avant de l'installer à Paris devant une carte des bois et forêts à visiter autour de la capitale... (No Pajero pour la Rojo devenue la risée !)
Le poursuit en serveuse candide, nunuche et moqueuse. En danseuse pieds nus perdue au milieu des chaussons et des tutus. En Abidjanaise "intégrée" qui se fait draguer à "Marcadet Poissonnier" par un Sénégalais qui a envie de rigoler… Un spectacle qui donne l'impression d'avoir été rompu autant en Côte d'Ivoire qu'en France, devant des audiences tellement diverses qu'elles ont permis de dégraisser un texte et une interprétation en définitive assez dépouillés. Riches mais pas caloriques. Colorés et nuancés. Frénétiques et fringants. Généreux mais sans sueur superflue. Sexy et comique vont rarement aussi bien de pair : la Go a en bas des reins un "pouvoir" pour qui plus d'un - et même plus d'une - se damnerait. Dont elle sait jouer sur tous les tons et dans toutes les gammes. Question : pourquoi Tatiana Rojo n'est-elle pas plus mise en avant que les celles et ceux qu'on nous sert à longueur de spectacles malheureusement souvent plus antiracistes que divertissants ?
Photos - dr Texte - GP (& Ma Solange Oussou)
PS : se joue à nouveau, pour 4 représentations... Tous les jeudis de septembre à partir du 9.
20H15 à l'Espace Saint-Honoré au 62 rue Saint-Honoré.
Places à 8 EUROS sur http://www.billetreduc.com/