En me demandant de quoi j’allais pouvoir vous entretenir cette quinzaine, je suis tombé sur une info relative à la disparition des requins en Afrique de l’ouest. Vous rigolez déjà, ça prouve que c’est trop facile… Et rien que pour vous embêter, j’ai décidé de vous causer sérieux. Na ! L’autre info qui est passée sous mes yeux en retenant mon attention de méchant con de blanc est en effet la réussite apparente des fameuses moustiquaires imprégnées d’insecticide dans la lutte contre le paludisme. Vous savez, ces millions de moustiquaires achetées par Sharon Stone. Ou qu’elle a incité à acheter, je sais plus… Peu importe d’ailleurs : selon l’UNICEF, l’agence des Nations Unies pour l’enfance, la production mondiale annuelle de moustiquaires imprégnées a doublé en un an, passant à plus de 60 millions d’unités, tandis que 16 pays africains ont triplé leur consommation de telles moustiquaires entre 2000 et 2007.
Sympa, non ? Et bien moi, ça me fout en rogne. Car nous sortons, ici, en France où nous achetons pratiquement une bombe insecticide par moustique survivant, d’une énième « semaine du Sida » ou « journée du Sida », je ne sais plus non plus, en sachant parfaitement que le paludisme tue plus que le dit Sida. Mais il tue dans les pays pauvres et, qui plus est, le « tout venant » (les gens à 1 $/jour, quoi !) Pour que vous ayez une idée du détournement de priorité et de fric que représente notre focalisation sur le Sida au détriment du paludisme, je vous invite à lire, dans le site « Diplomatie française », site tout ce qu’il y a d’officiel, le texte intitulé « Combattre le VIH/Sida, le paludisme et autres maladies (OMD 6) » Nos valeureux diplomates reconnaissent que la France (et l’Occident) a fait du Sida sa priorité en matière de santé, y consacrant le tiers de ses crédits publics jusqu’en 2003, date à partir de laquelle elle décida de tripler le montant des dits crédits anti-Sida. Bravo aux associations qui ont poussé le Monde à s’occuper en priorité de leur maladie sexuellement transmissible, en grande partie en mentant sur les ravages qu’elle était censé causer en Afrique ! Si les chiffres qu’elles nous communiquèrent dans les années 1980 avaient été réels, la démographie africaine aurait dû en effet chuter alors que le Sida n’a affecté sa croissance qu’à hauteur d’un quart de point seulement – selon un rapport de l’institut démographique français, INED, en juillet 2003.
Et, pendant ce temps, la recherche anti-paludéenne mourrait faute de crédit : en 2001 par exemple, l’Institut Pasteur découvrit un façon de bloquer le virus, testée avec succès sur des singes. Pas d’argent pour les tests humains… En 2004 ou 2005, je ne me rappelle plus, des chercheurs indiens furent victimes du même ostracisme financier et ne purent tester sur l’homme le vaccin qu’ils avaient mis au point. Un chercheur espagnol de Barcelone, Pedro Alonso, a mis, lui, 20 ans à pouvoir tester son vaccin : les dits tests vont commencer ou ont commencé il y a peu de temps au Mozambique, sur double financement du gouvernement espagnol et de la fondation Bill Gates.
Vous comprendrez donc pourquoi les moustiquaires imprégnées ne me remplissent pas d’aise : il a fallu attendre d’abord qu’une star de cinéma américaine appuie l’initiative pour qu’elle prenne corps. Les Nations Unies osent ensuite se gargariser des premiers résultats alors qu’avec l’OMS, elles ont favorisé outrageusement la lutte anti-Sida. Enfin, c’est un pays – et non la Communauté internationale - et une fondation privée qui financent les premiers tests sérieux d’un vaccin anti-paludéen deux décennies après la découverte du dit vaccin ! Bravo encore aux associations de lutte contre le Sida et bravo à notre système international de lutte contre les épidémies !
Dessin - Ezzat Texte - Christian d'Alayer
PS : article initialement paru dans le Gri-Gri version papier en octobre 2007
PS 2 : retrouvez l'ensemble de la production de Christian d'Alayer sur son blog http://dalayer.kazeo.com/