Article paru à Libreville, au mois de mars dernier, dans les colonnes de La Une n°88
Depuis le 10 décembre dernier, l’ensemble du personnel de cette entreprise est en grève pour plusieurs raisons. Les employés reprochent, entre autres, à la direction de l’hôtel de ne pas avoir
reversé à la CNSS tout l’argent qui leur a été prélevé pendant des années. Il y a aussi le
problème des rémunérations payées avec beaucoup de retard, le statut du Béninois Jacques
Attiba Mensah, directeur général autoproclamé, les indélicatesses dans la gestion… N’ayant pu se faire entendre, ni par la direction provinciale du travail, ni par le gouverneur – trop occupé sans doute à accueillir les réunions maçonniques –, le personnel du Poubara a décidé de tout arrêter.
Cela fait donc plus de deux mois que des dizaines de pères et mères de famille sont dans la rue.
Sans salaires et livrés à eux-mêmes. Incapables de payer leur loyer, certains d’entre eux ont été
chassés de leurs domiciles. Il y a deux semaines, un des salariés – Wilfried Ndoumba, commis
pâtissier – a assisté, impuissant, au décès de son fils. Il ne disposait pas d’assez d’argent pour payer les frais médicaux. Pendant que les employés gabonais croupissent dans la misère et sombrent, pour certains, dans la dépression, l’imposteur Attiba Mensah roule carrosse. Il a, à son entière disposition, le parc automobile et les installations de l’hôtel Poubara où il mène une vie de château. Nourriture, bons vins, suites présidentielles, rien n’est trop beau pour « M. le directeur général ». Seul petit accroc à cette existence dorée, les grévistes ont récemment déposé une plainte au tribunal de grande instance de Franceville pour détournement d’argent. Il s’agit des
sommes ponctionnées par Jacques Attiba au titre des impôts et cotisations sociales et qui, curieusement, ont pris une autre destination. La semaine dernière, la SEEG a coupé l’eau et l’électricité pour des factures impayées s’élevant à plus de 30 millions de francs. Du coup, le squatter Attiba Mensah a dû mettre en route le générateur de secours. Mais pour combien de temps ? Où trouvera-t-il l’argent pour acheter le gas-oil servant à alimenter indéfiniment « son » groupe électrogène ?
Comme le titrent malicieusement nos confrères de La Une : la prose de l'imposteur !
En attendant, la situation est totalement bloquée, car les grévistes n’ont pas d’interlocuteur. Pour bien comprendre la raison de cette impasse, il faut remonter à l’histoire de l’hôtel Poubara. Construit au début des années 1970, cet établissement était – et il le demeure, en principe – la propriété de la CNSS. En 2004, à l’occasion des « fêtes tournantes » dans le Haut-Ogooué, l’État
débloque 600 millions de francs pour la réhabilitation de l’hôtel Léconi Palace, censé accueillir les délégations et les hôtes de marque venus de Libreville. Mais, contre toute attente, Edith et Omar
Bongo font main basse sur cet argent et décident de l’utiliser pour retaper…Le Poubara. Transformée en véritable chef des travaux, Edith va quasiment s’installer à Franceville pour surveiller le chantier de réhabilitation de « leur » hôtel. Voilà comment en un tour de main, et après avoir spolié à la fois la CNSS et l’État gabonais, les Bongo sont devenus « propriétaires » du
Poubara. A la fin des travaux, ils recrutent le Français Michel Carré comme directeur général.
Très vite, le Blanc se rend compte que sur les papiers, cet hôtel doublement mal acquis
appartient toujours à la CNSS. Il va, en vain, tenter de rencontrer Omar Bongo afin de régulariser la situation. En 2007, Michel Carré décède dans des conditions troubles, et il est remplacé par un autre Français, Patrick Morlot. Mais ce dernier sera très rapidement poussé à la démission suite à une conspiration orchestrée par le Béninois et quelques lampistes habilement manipulés. Morlot parti, Jacques Attiba Mensah prend les rênes de l’entreprise. Il en profite pour mettre dans sa poche quelques bouffons de la famille présidentielle dont un certain Mvou qui, au passage, a laissé une ardoise de plus de 60 millions de francs.
En mars et juin 2009, les époux Bongo décèdent sans avoir eu le temps de régler les problèmes
du Poubara : il n’y a jamais eu de transfert de propriété, et l’hôtel est dirigé par un imposteur
béninois qui, comble de l’ironie, n’a aucune habilitation pour utiliser les comptes bancaires de l’entreprise. Voilà donc les employés pris au piège d’un « bien très mal acquis » sur lequel les héritiers ne peuvent exercer le moindre droit. Le pire, c’est que Jacques Attiba Mensah, dans son arrogance, ne prête pas la moindre attention aux propositions de sortie de crise que le gouverneur
Bertrand Moundounga a enfin osé lui faire. Normal, le Popo a certainement des choses à cacher et, surtout, il est assuré de disposer de solides protections vaudou à la présidence de la République.
Photo - captures d'écran Texte - J.O.