Les Afriques au défi du XXI e siècle de Georges Courade
Editions Bélin, 2014
Les lieux communs, les idées reçues et les propos négrophobes sur l’Afrique ont pris une nouvelle vigueur en ce début de XXI e siècle. Dans les ouvrages grand public, ils avancent à peine masqués sous les plumes de soit disant experts ou spécialistes au nom du fameux langage « politiquement incorrect. »
La colère ou le malaise qu’on ressent à la lecture de ces livres se dissipe dans celui de Georges Courade et laisse place à une jouissance salvatrice.
Certes, c’est le livre d’un français forcément influencé par les idées qui ont cours en France sur le continent africain. Mais c’est surtout le livre d’un auteur honnête, d’un géographe qui a une longue expérience de terrain sur le continent africain mais garde l’humilité de ceux qui ont beaucoup vu, beaucoup lu et beaucoup appris.
Georges Courade n’assomme pas le lecteur avec ses certitudes. Il adopte l’attitude du conseiller qui déroule le fil des trajectoires possibles en Afrique subsaharienne pour acquérir une véritable indépendance.
Dans la guerre de tranchées qui oppose optimistes et pessimistes sur l’avenir de l’Afrique, l’auteur n’a pas pris position. Pour lui, la partie n’est pas jouée d’avance et il dépend des subsahariens qu’elle soit gagnée. Car « Tous les héritages sont à repenser ! »
Certes, l’Afrique regorge de potentialités de toutes sortes mais pour acquérir une véritable indépendance, un tri s’impose dans les normes universelles en tenant compte des besoins et logiques locaux. Ainsi, Si on prend l’exemple de la jeunesse, elle sera un moteur de croissance ou une bombe à retardement.
« Comme 60% de la population africaine vit et travaille en zone rurale en 2010, l’agriculture et l’économie rurale vont jouer un rôle majeur dans la vie des jeunes. Vont-ils fuir les campagnes ou faire bouger l’univers des terroirs ?»
Et pour ceux qui restent, comment gérer le problème de la terre ?
« Au cœur des conflits autochtones/allogènes, figure la question foncière. Le concept d’’ivoirité’ lancé par le président Bédié en 1994, distinguait les ‘vrais ivoiriens’ des étrangers. Le régime Ouattara installé après la guerre civile qui a suivi l’élection présidentielle de 2011 contestée par Gbagbo, parviendra-t-il à surmonter ce bras de fer sociétal bien ancré dans un pays qui a perdu son rôle de vitrine coloniale en Afrique francophone ? »
Internet et le téléphone mobile constituent certes un accélérateur de croissance mais « substituer à un professeur national, un répétiteur local utilisant les cours débités par internet dans une université africaine mal dotée permet ainsi de différer les investissements dans l’intelligence locale. (…) Les subsahariens ont donc à s’emparer de l’outil et à créer des contenus en profitant de leur aisance plutôt que développer de nouvelles dépendances. »
Photo - dr Texte - Gnimdéwa Atakpama