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Le Gri-Gri International

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7 jours loin du monde - épisode 14 - Jérôme Reijasse - Lettre à Robin Leproux, ex président du PSG

Publié par Jérôme Reijasse www.legrigriinternational.com sur 11 Août 2011, 06:54am

Catégories : #Jérôme Reijasse 7 jours loin du monde

reijasse ép 14

Jérôme Reijasse n'a peut-être même pas 40 ans. Supporter du PSG, donc homme déçu. Écrivain (Parc). Journaliste chez Rock'n Folk. Traducteur pour les rockeurs à la télé. Lyrique. Exalté. Capable de trouver des raisons de vivre valables dans un groupe ou un artiste encore incontrôlé. Proposera chaque lundi désormais ses 7 Jours loin du monde aux lecteurs du Gri-Gri.

Cher Robin Leproux,
Mon ami, ma déchirure, mon Judas,
Je t'écris cette lettre depuis Paris. L'été a été calme. Plutôt sédentaire.
Il faut que je te raconte, Robin.
Je dois.
Hier, j'étais au Parc. Incapable de respecter mes engagements, je suis revenu chez moi avec Karim, Ronan et Vincent pour voir le PSG affronter Lorient. 32 euros, tribune A. Nulle part.
Il y avait du monde. Des gens plutôt soumis, naïfs, cerveaux débranchés. Le Parc affichait complet. Une bergerie. Tu en avais rêvé. Des petits drapeaux ridicules dans chaque main. Une fanfare et des jongleurs débiles à la mi-temps.
Il y avait de l'argent sur la pelouse et en tribune, des nouveaux joueurs payés avec des pétrodollars tout neufs, les dollars de ceux qui ont préféré te sacrifier, toi qui a pourtant su écraser 20 000 disciples, 20 000 soldats, sans même prévenir, sans état d'âme. Il y a un an. Une éternité. Il y avait un Argentin que tout le monde a acclamé sans même véritablement le connaître, Pastore. Sourire d'enfant et coupe de cheveux années 80, avec des petits dessins sur les côtés. Le nouveau Dieu d'un peuple qui n'en est plus vraiment un, grâce à toi bien sûr. Et à ton patron, le vrai, Nicolas. 43 millions d'euros, Pastore. Un veau d'or. Pas encore un taureau. Un jour, qui sait...
Paris a bien sûr perdu. C'était bon d'être là, encerclé par toutes ces brebis égarées, incapables déjà d'assumer une défaite. On leur avait promis la lune et ils l'ont eu bien profond sans attendre, dès la première journée de Ligue 1. Ils rageaient, insultaient l'équipe, rêvaient d'un remboursement impossible. Ils ne comprenaient pas.
Et moi, Robin, j'exultais. Tu le sais, je te l'ai écrit, je ne suis pas là pour la victoire. Jamais. Appartenance. Toujours.
Les grands traîtres, ceux qui changent l'histoire, l'ignorent peut-être mais ils inspirent jusqu'à leurs pires ennemis. Tu m'as légué le don de rebondir, après des mois de souffrance solitaire, muette. Je me suis abonné vendredi dernier. Tribune K. La mienne. Il y a un mois, je me serais haï devant tant de faiblesse. Aujourd'hui, maintenant que tu n'es plus, je suis heureux, oui, heureux. Même si tout est mort. Même si tu as tout brûlé. Je le sais, ne t'inquiète pas.
Hier, je ne te maudissais plus. Je me demandais où tu étais, ce que tu faisais. Plongeais-tu dans une piscine lointaine ? Serrais-tu les poings en regardant le multiplex de Canal ? Peut-être t'adonnais-tu à la pétanque avec Edel ?
Je m'interrogeais. Quelle serait ta prochaine mission ? Quelle foi allais-tu encore bousculer ? Piétiner ?
Éradiquer ? N'exagérons rien...
Quand l'employé du PSG m'a tendu ma nouvelle carte d'abonné, il m'a aussi offert un immonde t-shirt où était inscrit ce slogan : “Rêvons Plus Grand”. Ça fait longtemps que je ne rêve plus, Robin. Un cauchemar de temps en temps. Pas plus. Il y avait sinon la possibilité de récupérer une cravate PSG. Une cravate... Pour me pendre ?
La vie est injuste, Robin. Tu aurais pu être notre Saint-Just. Au départ, je t'aimais bien. Pire. Je te respectais. Parce que tu parlais comme il fallait, d'où il fallait. Parce que tu savais faire taire les cagoles marseillaises. Parce que tu étais l'ami d'un homme pour qui j'ai beaucoup d'affection. Tu as préféré obéir aux ordres. Tu as choisi. Je comprends. J'aurais peut-être fait de même. Rires. 
Mais si tu avais vu les visages et entendu les mots de tes plus fervents admirateurs, hier, au Parc, tu aurais certainement préféré rougir, avant de fuir dans une forêt profonde, sans retour. Ils étaient moches, ils étaient cons, ils étaient la masse, tes défenseurs. Ils n'étaient pas toi, j'en suis convaincu.
Ton plus grand crime est probablement là, Robin : avoir offert à des monstres un semblant de légitimité. Tu aurais pu, dans la légende, t'approcher d'un Borelli. Tu ne vaudras jamais mieux qu'un Denisot. Je sais, c'est une chose horrible à écrire mais les amis sont aussi faits pour ça.
Tant pis. Il est trop tard, bien sûr.
Les années vont passer. Le PSG, l'autre, celui d'après 2010, le tien, vivra encore. Ou pas.
Nos coeurs, eux, se souviendront.
Amitiés.
J.R.
Photo & Texte - Jérôme Reijasse

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