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Le Gri-Gri International

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7 jours loin du monde - #29 - Jérôme Reijasse (Romain Gary, Mouss Bénia, PSG, la vie)

Publié par Jérôme Reijasse www.legrigriinternational.com sur 12 Décembre 2011, 12:27pm

Catégories : #Jérôme Reijasse 7 jours loin du monde

7 JOURS N°29

Jérôme Reijasse n'a peut-être même pas 40 ans. Supporter du PSG, donc homme déçu. Écrivain (Parc). Journaliste chez Rock'n Folk. Traducteur pour les rockeurs à la télé. Rédacteur en chef d'une émission culturelle quotidienne. Lyrique. Exalté. Capable de trouver des raisons de vivre valables dans un groupe ou un artiste encore incontrôlé. Proposera chaque lundi (même si des fois ça tombe le mardi ou le mercredi) désormais ses 7 Jours loin du monde aux lecteurs du Gri-Gri.

 Cette semaine, pas vraiment vécu.
Le travail dévore tout, ce connard.
J'ai croisé des gens médiatiques puants, des anonymes pas moins gerbants, j'ai dormi dans le métro, j'ai ri dans ses couloirs mais d'un rire inquiétant, d'un rire qui annonce des jours noirs.
J'ai quand même vu le PSG battre difficilement Auxerre au Parc en compagnie de Karim et Patrice. J'ai aimé ma femme et mon fils. J'ai ri avec Arnaud, Pierre et Élodie, entre deux tâches ingrates cathodiques. On a passé notre semaine à imiter Patrick Sébastien et Gilbert Bécaud. Les autres nous regardent comme si nous étions condamnés à la camisole. L'absurde nous sauvera. Peut-être...

Il faut fuir, bientôt. Il faut s'arracher à cette répétition débilitante. Il faut convoquer le peu de courage qui reste encore dans les veines. Surtout ne pas craindre de manquer. Fuir, loin et vite, fuir avant de se transformer en une créature dégueulasse, aux mots vides et aux actes sales.
Dieu qu'ils me dégoûtent tous ces zombies aux désirs en béton armé et aux émotions soldées.
Je ne vaux certainement pas mieux qu'eux. Mais je les emmerde quand même, je les méprise, je les vomis, je les tue à chaque regard.

Vendredi, mon couple hurle. Un enfant, c'est une magie indiscutable et également une certitude de déchirure. Pour les faibles et les merdes surtout. Devenir parents, c'est accepter la lutte. Il s'agit de se battre, d'être plus fort que le démon de l'égoïsme. Pas gagné au coeur d'une époque qui n'a rien fait pour que l'on célèbre la moindre dignité. Se forcer à rester ensemble, se forcer à avancer, coûte que coûte. Renoncer tout de suite, maladie contemporaine, c'est véritablement détestable. Oublier le glamour, privilégier l'amour, le vrai, celui qui a traversé des océans de doutes et de larmes et qui a vaincu. J'emmène donc Madame au restaurant et au cinéma. Comme un beauf. Comme un Homme. Le restaurant est chinois et ne casse pas trois pattes à un canard laqué. Le film est touchant, parfois même magique. The Artist. Avec Jean Dujardin. Bien sûr, il n'est pas question de parler de chef d'oeuvre. Qu'il gagne un Oscar ou autre chose, peu m'importe. Il suffit pourtant de se laisser aller, d'accepter d'être privé de mots (qui s'en plaindra vu l'indigence des dialogues cinématographiques depuis 20 ans en France?) et de danser immobile devant cette histoire d'un acteur déchu muet qu'une actrice en vogue parlante va aimer. J'ai toujours eu un faible pour les films naïfs, les comédies musicales américaines où l'on réglait ses comptes à coups de claquettes. Ma part de féminité sans doute... Nous sortons de la salle tendrement enlacés. Les Champs-Élysées scintillent, un Noël de pacotille pour touristes-lapins gâche mon horizon. Ces décorations lumineuses, cercles vulgaires comme échoués dans les arbres, sont atroces. Il faudrait qu'une neige méchante, Béréziniesque, écrase ce décor au rabais, dernière faute de goût coupable de l'autre Delanöé.
Et puis mardi, dans ma boîte aux lettres, un livre acheté sur un site marchand pour quatre euros. Panne de Sens de Mouss Benia. Quel titre ! Qui ça ? Un écrivain français qui n'a pas eu droit aux honneurs des médias. Son nom peut-être, trop arabe, pas assez rive gauche. Quoique... Aujourd'hui, on vend des gens parce qu'ils sont issus de la diversité. C'est même devenu un véritable business. Rires. En tout cas, jamais je n'en avais entendu parler. Mouss Benia, je le connais parce que je travaille avec lui. Gueule dense, regard pas tout de suite sympathique, yeux perçants de celui à qui on ne la fait pas sans risquer quelque chose. Mouss est régisseur sur l'émission pour laquelle je trime. Régisseur, ça signifie s'occuper des loges des invités, leur fournir boissons et friandises pour qu'ils patientent sans criser. Ça signifie courir à gauche et à droite pour parer à toute éventualité. Un jour, Mouss m'apprend qu'il écrit, qu'il a été publié, que ses éditeurs ont foiré sa promo. Son sourire en coin mêlé à une distance salutaire ayant de quoi convaincre n'importe quel humain à l'écoute, j'ai acheté son premier roman. Jilali est un adolescent aux poches vides et aux rêves pas encore morts et ce roman, c'est un long, beau et dur travelling, on navigue d'un camping hexagonal à une Algérie toujours pas fixée. De la réalité au songe. Le style est brut, drôle, tendre, on pense peut-être à Romain Gary, on lit et des émotions jamais galvaudées traversent l'âme. Ce livre est important parce qu'il raconte une histoire que personne ne veut entendre. La plume de Mouss Benia n'hésite pas entre haine et générosité, non, elle accepte de tout dire, loin des clichés qui arrangent tout le monde. Convaincu, je viens de cliquer pour me procurer son autre ouvrage, Chiens de la Casse, encore un titre qui claque. Mouss Benia écrit toujours. Il a raison.
 

Texte & Photo - Jérôme Reijasse

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