La ligne politique
Celle-ci est évidente dès la Une (la première page de couverture) : pro-Sarkozy (personne ne peut imaginer que Villepin puisse « tuer » l’actuel président de la République française dans l’interrogation du titre principal), pro-fiston Bongo (« Opposants cherchent stratégie »), Beni oui oui face aux institutions internationales (« L’Afrique au sommet »), anti-iraniens (« Nucléaire : comment parler avec l’Iran ») Bref, du très, formidablement politiquement correct dans la France de Sarkozy !
L’intérieur ne dément pas : dans son édito, BBY est très prudent dans son soutien à Obama, en refusant notamment de voir ce que représente le retour de l’Etat aux Etats-Unis (la seule raison qui soit à l’origine de sa soi-disante baisse de popularité) tandis que l’article sur Sarkozy et Villepin est finalement très favorable à Sarkozy : le « socialiste » BBY s’est mué en ultra-libéral, c’est évident : ainsi et alors que, partout ailleurs en Afrique, le canard de l’ancien ministre de la communication de Bourguiba est féroce vis-à-vis des héritiers politique, il se montre très sympa vis-à-vis du fils de Soglo au Bénin, candidat sans aucune chance à la présidentielle mais très libéral, plus que libéral. L’hebdo continue, comme d’habitude, à cogner sur le FLN algérien (socialiste) tout en se courbant devant le maire de Paris, Delanoë, socialiste qui reçoit les maires francophones début octobre. A noter que Delanoë fait partie du centre droit, n’ayant plus de socialiste que le nom et le soutien de son parti…
Dernier point de cette ligne politique, l’alignement sur les positions des grandes institutions internationales : « ONU-G20 – l’Afrique aux Sommets », titre ainsi John Ndlovu, « envoyé spécial » du journal à New York. Avec une photo des plus singulières : Bouteflika – rien à dire, le seul véritablement élu du groupe et un vrai président - Kagamé, auto proclamé président du Rwanda et reconduit après un simulacre d’élection – non condamné par Jeune Afrique, ami intéressé de Kagamé - Gbagbo, président de Côte d’Ivoire non réélu mais toujours en place, Blaise Compaoré, arrivé au pouvoir par les armes, reconduit ensuite par tricherie organisée et patron de la filière africaine des « diamants du sang », Kadhafi dont il est inutile de souligner l’illégitimité et, enfin, Jacob Zuma que l’hebdo de BBY qualifie lui-même de « corrompu » (je pense qu’il n’est pas pire que les autres dirigeants mondiaux) Bref, une vitrine de l’horreur africaine qui n’appelle aucune remarque de la part de Jeune Afrique !
Des articles faux-cul
C’est pas facile, certes, de trimbaler une telle orientation politique et de vouloir en même temps atteindre le public africain. J’ai déjà dit ici que l’hebdo n’y réussissait plus aujourd’hui, avec une diffusion quasi confidentielle en Afrique, se contentant de sa clientèle française (émigrés intello et ex-« coopérateurs ») avec des articles ne voulant plus rien dire à force de ménager la chèvre et le choux (on appelle cela être faux-cul, d’où l’intertitre) Dans le faux-cul de ce numéro précis, on rangera par exemple un articulet sur la victoire d’Irina Bokova à la tête de l’Unesco face à l’Egyptien Hosni : au lieu de dire carrément que les Juifs avaient fait une campagne terrible contre cet Hosni effectivement antisémite et que les dits Juifs l’avaient emporté, Jeune Afrique tergiverse au point qu’on ne sait plus quoi penser. Et il ne cite même pas les voix qui ont manqué à l’Egyptien, achetées au pire, soumises à de terribles pressions au mieux (il n’y en a que deux et ça a suffit).
Ainsi, après une charge fabuleuse du canard contre la corruption en Afrique (j’y reviendrai), Jeune Afrique donne un tout petit peu la parole à un Camerounais qui estime que le corrupteur est plus important encore que le corrompu. Ainsi également, et gommant une fois pour toute les conditions de la dernière élection présidentielle au Gabon, Jeune Afrique transforme-t-il le refus de la rue en « temps des manœuvres » pour une opposition qui n’accepterait pas sa défaite. Etc., l’antienne est tellement répétée qu’elle en devient insipide et sans intérêt : on n’a pas envie de lire Jeune Afrique, un point c’est tout !
Texte - Christian d'Alayer
PS : la suite, juste en dessous...