
C'était la semaine dernière. Au Musée Dapper. Dans la salle, un surgi du passé. Un de ceux à propos de qui on m'a le plus souvent demandé, mais il devient quoi... Kenzy. Vieux pote de la réalisatrice. Du temps du rap, des maisons de disques et des clips vidéo. Avant même le Secteur Ä. Le réalisateur Jean-Pierre Beccolo, "grand-frère" de Pascale Obolo, les présente rapidement, elle et son film. Puis elle à son tour, encore plus rapidement, nous souhaite surtout bonne projection.
84 minutes, ai-je noté. Du cinéma, quoi. Pas les 52 minutes réglementaires du film d'auteur d'1 heure et demie dégraissé et ramené au poids de diffusion de masse. (Déjà, j'aime bien). Et puis j'aime bien aussi le sourire humble et déterminé de Pascale Obolo. Il est rassurant. On voit qu'elle en fera d'autres des films. Ça donne envie d'avoir été là depuis le début de sa carrière.
84 minutes de mélancolie enthousiaste et passionnée. Des portraits de gens flattés qu'on vienne s'intéresser à eux depuis si loin. Les vieilles gloires, majestueuses, roublardes, charmeuses et séductrices (se) racontent.
D'abord Trinidad & Tobago. Car c'est là que le calypso et son histoire se jouent. Juste après le départ des Américains et de leur base militaire, au milieu du siècle dernier. (Et longtemps après le passage des Français). Rhum and coca-cola.
(Ah c'est donc cette musique qu'Arielle Dombasle défigure, récupère et ridiculise...).
Images d'archives, photos, plans séquences (suffisamment longs pour que les silences trouvent leur sens musical), instantanés, extraits de concerts publics, considérations et réflexions d'acteurs du business, petites chansonnettes poussées en privé juste pour la caméra (innocents privilégiés que nous sommes)... Pascale Obolo varie, juxtapose et parfois superpose les supports : images filmées en super 8, projetées et re-filmées sur le mur. Effet superbe.
Puis la mode est passée. On imagine que le calypso a essayé de la suivre un temps. Qu'il s'est perdu, fourvoyé, cherché. S'est essayé. Banalisé. Vulgarisé. Vendu aux plus offrants. A tenté des come-backs. Des mariages contre-nature et des aventures musicales hasardeuses. A eu ses intégristes, ses ayatollahs, pour dénoncer ces évolutions. Mais aussi qu'il s'est transmis, de génération en génération. Vestige somptueux des premières heures de liberté. Une musique faussement légère qui a toujours su que son destin était d'être mieux avant. Et tout ça, Pascale Obolo parvient à le faire passer, à le faire sentir, comprendre et ressentir, sans l'expliquer. (Y'a-t-il même un seul universitaire ou musicologue appelé à témoigner dans le film ?).
Aujourd'hui, certains de ces "Sur-Vivants" ouvrent des écoles de calypso. (Comme on ouvre des ateliers d'écriture de rap. Avec, d'ailleurs, pour public la même population, les même jeunes enfants des quartiers populaires et défavorisés). Ou, telle la divine Calypso Rose, continuent de chanter en déplorant que soient favorisés par les médias Soca et grossièretés plus ou moins dancehall... Le calypso n'a droit qu'à 5% du temps d'antenne aujourd'hui à Trinidad & Tobago. Mais comme en Pascale Obolo il a trouvé une réalisatrice amoureuse et généreuse, ces plus beaux jours sont devant lui.
Grégory Protche
PS : interview de la réalisatrice très prochainement.
PS 2 : dvd double (avec un cd) en vente : www.calypso-at-dirty-jims.com
PS 3 : jeudi 23 juillet, Calypso Rose sera en concert à Paris, au Cabaret Sauvage.