Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le Gri-Gri International

Le Gri-Gri International

Littérature - Politique - Philosophie - Histoire - Sports - Économie


Sénégal - La violence contre la brutalité (again, à cause des nervis armés envoyés par Wade pour terroriser une mairie)

Publié par Yérim Sow www.legrigriinternational.com sur 27 Décembre 2011, 13:32pm

Catégories : #Sénégal 2011

Wade-le-Domenech-du-Senegal-1-www.legrigriinternational.com 

Nous avions reçu, et publié, le 7 décembre dernier, cette contribution du président du Comité de soutien à Malick Noël Seck. Elle nous a été à nouveau envoyée, via un massif mailing, accompagnée d'une recommandation savoureuse que nous ne résistons pas au plaisir de partager avec vous, au moment de republier ce texte...

"Dans la précipitation des évènements actuels, signes avant-coureurs d'une catastrophe annoncée, avec son cortège d'arrestations arbitraires, de voyous embauchés pour intimider et réduire au silence les opposants potentiels, Yérim Sow, Président du Comité de soutien pour la libération de Malick Noël Seck, avait réagi dans un texte à l'intention du peuple sénégalais et que vous n'avez malheureusement (pour vous, car nous oui, ndlr) pas publié. Il nous semble aujourd'hui, au lendemain de "l'attaque de la mairie de Sicap-Mermoz, que ce texte, intitulé La Violence contre la Brutalité, correspondait à une vision prémonitoire.

Lisez ce texte, vous aurez des frissons !

La liberté de la presse, comme le constatait Malick Noël Seck, est la colonne vertébrale d'une démocratie et, à ce titre, je vous demande de le publier non par rapport à vos fonctions, mais par devoir."

 

J’ai compris que tout, au Sénégal, était rentré dans le désordre lorsque mon père, ancien haut fonctionnaire, m’a expliqué qu’il fallait acheter le gendarme pour éviter de payer une contravention qui ne reposait sur rien. Les chiffres sont, pour le moins, alarmants. Nous sommes gouvernés par le président en exercice le plus âgé du monde (87 ans) ; notre taux de chômage actuel est de 49% ; notre taux d’alphabétisation est de 40% ; 67% des femmes sont illettrées ; 57% de la population à moins de vingt ans et la corruption est endémique.

Les Sénégalais dans leur grande majorité ont choisi de minorer cette situation, et plutôt que de réfléchir à des solutions durables face à des problèmes réels nous nous sommes enlisés dans des débats politiques sans issue qui, au même titre que la lutte traditionnelle, font aujourd’hui partie du folklore populaire.

La réflexion autour de la légitimité de la candidature de Wade bien que nécessaire n’est pas essentielle. Il laissera derrière lui les vices qu’il a créés. La question posée par Malick Noël Seck aux membres du Conseil Constitutionnel est fondamentale en ce qu’elle a trait à l’essence même de la démocratie.

La République du Sénégal au vu des scandales politico-financiers et du bilan catastrophique de l’alternance pourra-t-elle endurer dix années de démocratie ambigüe ? Peut-on raisonnablement parler de liberté quand la séparation des pouvoir est bafouée et que le président de la République en derniers recours, pour mieux perdre les Sénégalais, renvoie dos a dos le peuple et les magistrats ?

La condamnation de Malick Noël Seck est une décision politique. Les deux années auxquelles il fut condamné, suivies de sa déportation à Tambacounda malgré son pourvoi en appel, ne font que confirmer la fin de l’état de droit. C’est un homme qui hurle et qu’il faut faire taire avant qu’il ne rameute les foules ! Il aurait pu vaquer à ses occupations, élever son fils, et vivre auprès de son père le reste de son âge, mais il a une promesse à tenir. Celle faite à une femme qui, tout en allaitant son enfant dans une maison inondée un soir de septembre, a imploré son aide.

Il avait tout de suite pensé à une aide pécuniaire, mais ce n’est pas de l’argent que voulait cette dame : mais une voix pour les inexaucés, les badolés (sans force), ceux que l’on dépasse dans la file d’attente lorsqu’on connait quelqu’un au commissariat, et qui baissent les yeux parce qu’ils n’osent pas vous dire qu’ils étaient là avant vous… et tous les sacrifiés à qui l’ont commande d’accepter, de tout accepter. Il ne connaissait pas alors le visage de la détresse, le visage de ceux qui n’ont rien et qui ne sont rien au Sénégal.

Nous sommes tous des Malick Noel Seck

Alors il a lu, beaucoup. Il a pensé à l’aveugle fou qui voyait, il a distribué des tracts, interpellé nos beaux ministres grassouillets du cou et dont l’arrogance est telle qu’ils n’ont même plus à craindre un regard qui les juge. Puis il est allé déposer une lettre au domicile du président du Conseil constitutionnel. Et là, il est saisi par la DIC et jeté dans une geôle. Son procès est une parodie de justice : « il y avait des gendarmes dans les couloirs du palais le jour du verdict » se souvient l’un de ses avocats. On est venu le réveiller un soir dans sa cellule à Liberté VI pour le déporter à Tambacounda, sur la décision du ministre Cheikh Tidiane Sy.

Il y arrive à cinq heures du matin avec une orange et une bouteille d’eau (durant 36 heures, il n’aura rien d’autre). Sa cellule est en fait le pavillon des mineurs qu’on vide pour lui. Il y avait là une vingtaine d’enfants qu’on a dispatchés dans les cellules de prisonniers adultes, qu’on a "offerts" en somme aux prisonniers adultes. Délinquants mineurs sacrifiés qui vivaient autour d’un trou dans cette cellule. Cette pièce, c’est une fosse septique. D’un trou à même le sol émanent des vapeurs de diarrhée, des cafards par centaines et des rats qui longent les murs. Ce trou tient lieu de chiots. Ce trou qui respire comme un homme.

Les valeurs démocratiques énoncées par notre Constitution, l’éthique républicaine, « la magistrature et ses procédures, comme le disait MNS, ne sont que les symboles de notre désir d’être juste, ils ne signifient pas la justice. » Aujourd’hui, la justice est entre les mains d’un procureur aux ordres et d’un ministre qui se venge personnellement. Wade a choisi de nous diviser en se maintenant au pouvoir par tous les moyens nécessaires.

Il se dédit, utilise les deniers de l’État pour corrompre, surveiller et punir ; organise un énième séminaire, composé d’étrangers cette fois, dont l’incompétence à juger de la Constitution Sénégalaise est notoire. Il trône dans son rôle ! Il est celui qui arrive à la pointe d’une décadence pour en épuiser le poison, et presque inconsciemment, il nous accule pour mieux nous pousser au crime.

“On dit d’un fleuve emportant tout sur son passage, qu’il est violent, mais on ne dit jamais rien de la brutalité des rives qui l’enserrent”, disait Brecht. Au Sénégal, la violence viendra quand nous aurons échoué à écouter et entendre le cri de tous les Malick Noel Seck !

Elle viendra parce que l’injustice frappe des hommes qui ont un nom et viennent de familles qui se souviennent. Ils sont impuissants, mais ils se souviennent du mal qu’on leur a fait. Comme Sangone Mbaye abattu à Joal en Aout 2009 par le gendarme Gora Diop qui lui réclamait 1000 francs. Et au bout de tous ces gendarmes qui tirent lorsqu’on leur refuse quelques sous, au bout de tous les verdicts sur commande, tous les Malick Noël Seck arrêtés, emprisonnés et déportés, il y a le progrès lent mais sûr d’une violence qui sourd, qui perce, qui est sans contenu ni contour et que rien n’arrêtera ! Et si la violence comme rien d’autre unit la nation contre la brutalité de l’État, ce n’est pas en vertu du sang répandu, mais par la vertu qui rend un peuple capable de répandre son sang.

À chaque fois que nos lois sont bafouées et qu’on l’accepte, lorsque le pouvoir renvoie dos à dos un peuple impuissant et une magistrature désabusée, puisque la justice n’est pas libre, lorsque nos Institutions ne sont plus que des mots dans un livre jamais ouvert, que les sermons et les déclarations de principe ne suffisent plus a calmer les rages populaires, alors la violence vient…

La violence viendra des sans espoirs.

Elle viendra de gens qui ont faim, et qui ont attendu et espéré une promesse que la vie ne tiendra pas. Elle sera puissante, irrésistible et sauvage. Parce que derrière toutes ces résignations, ces non-dits, ces mensonges que l’on habille et maquille, derrière le silence de cet homme à qui l’on demande de comprendre la mort d’un fils de quinze ans emporté par le paludisme : les rancunes se construisent.

Yérim Sow Président du comité de soutien et de réflexion pour la libération de Malick Noël Seck

 www.malicknoelseck.com

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :

Archives

Articles récents