Le livre de James Mc Bride sonne comme une chanson de Bob Marley. Buffalo Soldiers, Dreadlocks Rasta ! De la chair à canon égarée dans une guerre qui n’est pas la leur.
En 1944, la 92 ème division, composée essentiellement de soldats de couleur, est envoyée au casse-pipe en Toscane. Quatre rescapés sont obligés de faire la route ensemble. Train, le géant en chocolat, Stamps, le superbe sous-lieutenant et Bishop, le faux pasteur de Kansas City, sont noirs ; seul Hector, le radio, est Portoricain ; mais pour le capitaine Nokes, c’est du bétail, tout juste bon à franchir les lignes adverses, mais pas assez précieux pour qu’on lui envoie du renfort. Et pour un officier blanc américain, il est plus facile de traiter un nègre, fut-il lieutenant, de menteur, que de lui accorder du crédit, de l’artillerie…ou de l’avancement.
Après la boucherie du canal Cinquale, Train sauve un enfant italien coincé dans une grange bombardée par les obus allemands. Et il ne veut plus s’en séparer. Pas plus que de la tête de la statue ramassée au bord du fleuve Arno. La tête de la Primavera de la Santa Trinita. Elle a coûté un bras à son architecte et la santé mentale de son sculpteur mais était restée entière jusqu’à ce jour.
Jusqu’au massacre de Santa Anna. Un petit village, Bornacchi, situé en contrebas du hameau de Santa Anna, où chaque habitant a quelque chose à cacher, se trouve être l’endroit idéal pour soigner l’enfant à moitié mort et attendre les nouveaux ordres de leurs supérieurs.
Ludovico et ses lapins planqués sous son plancher, Renata, sa fille habillée en homme, Ettora la sorcière, accueillent cette drôle de troupe. Tous, malgré eux, apprennent à vivre ensemble. Tout s’échange. L’enfant se rétablit. Des fêtes s’organisent. Tous s’attachent aux uns et aux autres. Les partisans et les fascistes s’entretuent, les Américains et les Allemands se combattent, mais les quatre soldats apprécient cette vie italienne où ils sont traités comme des hommes. Où la couleur de peau n’importe pas. Nettement mieux qu’en Amérique.
Mais la guerre continue. Il faut ramener un Allemand au camp pour l’interroger. Justement Peppi, le Papillon noir, le grand partigiano, son bras droit Rodolfo et ses camarades passent par là avec un prisonnier. Peppi, que sa légende précède mais qui ne fait pas l’unanimité, vient aussi régler des comptes. Qui a vendu Santa Anna aux Allemands ? Qui a trahi pour un malheureux sac de sel ? Ludovico, le forgeron fasciste ? Peppi, qui le connaît depuis l’enfance, espère le contraire. Qui peut vivre avec le sang de cinq cent soixante personnes sur les mains ? L’enfant qui enfin révèle son nom, Angelo Tornacelli, reconnaît l’Allemand qui tombe en pleurs à ses genoux.
Les traîtres, les ennemis ne sont jamais ceux qu’on imagine.
Mc Bride raconte les conditions extrêmes, les rapprochements inattendus, avec délicatesse et onirisme. Il nous emmène dans l’Italie de Mussolini où la grappa ne délie pas forcément les langues et où les ventres vides trompent la faim en se gavant de châtaignes. Quand l’Ange-enfant touche le visage de Train, comme jamais personne ne l’avait touché, nous entrons aussi alors dans la dimension impalpable du respect et de l’amour de l’autre, qui fait la force de ce livre.
Texte - Princess Erika
PS : le roman de James Macbride, Buffalo soldiers, a été adapté, par Macbride lui-même, pour le film de Spike Lee, toujours pas sorti en France, Miracle à Santa Anna.
PS 2 : chronique initialement parue en octobre 2009.