Lundi 12septembre 2011. Paris. Alassane Ouattara, dit l'ADO-ré, s'apprête à assister, le lendemain, à la remise d'un prix en faveur de la paix à l'UNESCO. Il sera accompagné par l'ancien président Henri Konan Bédié, dit Konan le Barbant ou le Buddha de Daoukro, déposé en 1999 par le coup d'État du général Guéï, qui portait la marque de... Ouattara. Un Bédié qui, de 1995 à 2000, n'aura de cesse d'éructer ivoiritairement contre... Ouattarra. Sachant qu'en 2005, et se mettant à dos une partie de ses supporters, c'est le président Gbagbo qui rendra à Ouattara une éligibilité que Bédié pour des raisons raciales lui avait ôtée dix ans plus tôt...
C'est officiellement le seul motif que l'on connaisse à l'interview d'Ado par Laurence Ferrari au jt de TF1. Énième fantômatique et belphégorique apparition dans les médias français d'un soi disant président qui se soigne, se repose et quémande - en appelant ça "travailler" - à Paris plutôt qu'à Abidjan. Énième tentative également de ses communicants de faire endosser à l'ensanglanté Préfet-sident un costume trop grand pour lui, l'employé de bureau international se faisant passer pour un économiste, le caricatural propriétaire de "Biens mal acquis", l'ethno-tribaliste nommant Dioula sur Dioula à tous les postes importants.
Laurence Ferrari, pourtant pas dégoûtée par grand chose en matière de présidents et d'interviews, a l'air de se faire royalement ch... pendant tout l'entretien. Service minimum pour elle et maximum pour lui. Observons-les.
Pendant 40 secondes, Alassane vend sa soupe sans conviction. Il sait très bien ce qui va se produire. Ça fait dix ans que c'est comme ça. Chaque fois qu'un occidental (les interlocuteurs qu'il préfère, car eux l'appellent "Monsieur le président") s'adresse à lui, ça ne rate pas, c'est toujours pour finir par lui parler de... Gagbo. La Ferrari manque pas la chicane. Alassane rame. Répète. Gbagbo est dans un résidence bien équipée (sauf le téléphone pour parler aux membres de sa famille, dont il est sans nouvelle directe depuis son enlèvement). Il devrait être en prison, puisqu'inculpé de crimes économiques (quid de l'embargo sur les médicaments et des ravages des sanctions financières prises sur demande de Ouattara contre la Côte d'Ivoire durant la crise post-électorale). Ado s'emballe même un peu et annonce que Gbagbo sera jugé devant la CPI, alors même qu'à notre connaissance l'Ocampo n'a toujours statué de rien.
À 1mn30, c'est la Ferrari qui se met à pédaler... arrivant pas à lui demander si les exactions commises par ses partisans, ses miliciens, seront ou pas jugées... il répond que l'impunité n'existera pas en Côte d'Ivoire... qu'en somme le pays va judiciairement, économiquement et socialement bien, alors que tout, absolument tout, dit le contraire : les journalistes emprisonnés, comme Hermann Aboa, les disparitions, les arrestations aussi sommaires qu'arbitraires (ethno-politiques), les vols, les impôts et taxes levées et perçues par les FRCI en manque de salaire promis, les déplacements de populations sous la menace...
À 1mn55, Ouattara se détend, sourit franchement, normal : il parle de la France. Elle a payé ses fonctionnaires (enfin, un prêt de 400 millions d'euros... Gbagbo les payait sans aide extérieure), a envoyé son président lors de son investiture, puis son Premier ministre (pour une fois que quelqu'un le remarque)... Tiens, même les investisseurs reviennent... qui étaient déjà là, avant que lui et ses complices français ne les fassent fuir... Grâce à la Gaule et à des financements qui "arrivent plus vite" qu'escomptés (c'est plus de la méthode Coué, en temps de crise mondiale, c'est de l'innocence !), on commence même à construire des barrages et des ponts... pas de risque que la Ferrari vienne rappeler que ces travaux étaient programmés sous Gbagbo...
À 3mn30, la tarte à la crème Bourgi... vieux baveux bavard envieux et dérisoire, qui avoue, tardivement, avoir vu (et porté) des valises pleines de Françafric depuis le continent jusqu'à Paris sous tous les président français sauf Sarkozy... de quoi achever le viril et vulgaire Villepin en vue de la présidentielle de 2012, diagnostiquent les finauds... de quoi surtout contrer la sortie du brûlot de Pierre Péan, La République des mallettes, plus instructif et dommageable que les tartufferies du vieux Levantin sans manière. Ouattarra botte quasiment en touche. Étonnamment. Lorsque la Ferrari relance, citant Mamadou Koulibaly, qui corrobore les révélations de Bourgi, à propos de 3 millions d'euros extorqués à Gbagbo par l'harcelante gueuze gauloise, elle qualifie le leader du Lider et ancien proche de Gbagbo de "Président de l'Assemblée nationale"... Ouattara encaisse le coup. N'avait-il pas dissous la dite Assemblée... non sans avoir, au préalable, et très démocratiquement, fait cesser le versement des indemnités des parlementaires, afin de les empêcher, en les affaiblissant financièrement, de préparer les prochaines législatives...
Regardez bien la toute fin du document. Elle contient la seule information réellement importante du jour. Laurence et Alassane se congratulent. On distingue un léger changement d'axe de caméra et de luminosité en revenant vers elle. En fait, on revient au direct ! L'interview, contre tous les usages et habitudes du journal télévisé, a en fait été enregistrée "avant"...
Ce jour-là, depuis le début de l'après-midi, sur les réseaux sociaux circulait un appel aux Ivoiriens résistants à se rassembler devant TF1 à 19h, pour "accueillir" le faux président... Toujours courageux, Ouattara a préféré ne pas risquer d'affront(tement) en enregistrant son intervention. À peine l'a-t-on vu arriver aux abords de TF1, vers 18H, que déjà instantanément l'information sur facebook et tweeter circulait. Sûrement est-ce la raison pour laquelle la Ferrari consent à en informer, partiellement, les télespectateurs...
Photo - dr Texte - S.T.
PS : l'entretien se déroule sur TF1, émanation du groupe Bouygues, richement implanté en Côte d'Ivoire.
PS 2 : pas la moindre question sur la plainte déposée par Laurent Gbagbo, via ses avocats, le 5 juillet dernier contre le président français.
PS 3 : à chacune son dirlo du FMI chez les speakerines de TF1 : Chazal a reçu DSK avec les mêmes scrupuleux et cachotiers égards quelques jours plus tard.