Objet : Affaire JAMARIHIYA ARABE LYBIENNE
Monsieur Louis MORENO OCAMPO
Procureur Unité des informations
et des éléments de preuve
Boîte 19519 2500 CM, La Haye PAYS-BAS
Paris, le 4 juillet 2011
Monsieur le Procureur,
La Jamahiriya Arabe Libyenne, dont j’assure la défense des intérêts, a pris connaissance par voie de presse de la décision rendue par la Chambre préliminaire au vu des conclusions que vous avez crû devoir unilatéralement tirer de vos investigations.
A titre préliminaire, elle entend dire qu’elle conteste avec force une enquête menée en fraude de ses droits, de ceux de ses dirigeants et de son Peuple.
Dans de telles circonstances, elle ne peut accepter d’être liée par une procédure attentatoire à son indépendance et à sa souveraineté et qui, au surplus, n’est pas le reflet impartial des faits.
A cet égard, il est clair qu’en vous affranchissant des règles de l’ordre juridique international, malgré les moyens considérables mis à votre disposition, vous avez décidé de vous conformer sciemment à l’environnement médiatique des faits dont vous étiez saisi.
A ce sujet, la Jamahiriya Arabe Libyenne affirme que vous avez repris à votre compte, et sans aucun esprit critique, la campagne médiatique de grande ampleur visant à la discréditer et à discréditer les Libyens.
L’alignement pur et simple de votre enquête sur cette entreprise de « diabolisation » d’un Etat libre, indépendant et souverain est contraire à l’esprit et à la lettre de l’acte fondateur de la Cour dont vous dirigez l’autorité de poursuite. (...)
Il a pour résultat pratique de cacher ou de travestir certains faits et d’induire ainsi volontairement en erreur la communauté internationale sur les responsabilités réellement encourues.
Pour prendre l’exacte mesure de la portée effective et de l’amplitude des manquements de vos travaux à l’ordre international public, il est nécessaire de dégager les principes enfreints.
Ces principes sont ceux dégagés notamment par le Pacte international des droits civils et politiques et la Convention européenne des droits de l’homme auxquels s’est référé le Conseil de sécurité quand il a fallu élaborer le statut des tribunaux pénaux internationaux.
L’article 21 paragraphe 3 du statut de votre Cour fait, quant à lui, explicitement référence « aux droits de l’homme internationalement reconnus ».
Le droit à une procédure équitable est l’une des pierres angulaires de ces droits.
Votre posture, et à la suite celle de la Chambre préliminaire, me conduit à vous rappeler trois des garanties spécifiques du droit à une procédure équitable :
- droit à un juge impartial, ce qui suppose l’absence de parti pris ;
- droit à être informé, dans le plus court délai, de la nature de l’accusation ;
- droit d’interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge.
Cette précision apportée deux séries de considérations seront formulées.
Première série de considérations. Votre saisine s’inscrit dans l’ordre public international, c’est-à-dire d’un ordre public commun aux Etats membres des Nations Unies.
La référence à l’ordre public international souligne l’intensité, par nature, des engagements et des obligations de votre Bureau à raison de l’exigence d’équité.
Deuxième série de considérations. Cette portée exigeante aurait dû se traduire doublement par une obligation de caractère positif, d’une part, de résultat, d’autre part.
- Une obligation de caractère positif. La résolution du Conseil de sécurité vous saisissant fixait l’objectif de l’enquête : elle devait être impartiale, équitable, contradictoire.
- Une obligation de résultat. Vous aviez peut-être le choix des moyens propres à fournir le résultat demandé, la poursuite des auteurs des crimes prévus et réprimés par le statut de Rome, mais si ce résultat n’a pas été atteint dans les formes requises, votre Bureau se trouve par la même en faute.
(suite et fin de cette lettre ICI)