Luis Moreno Ocampo, ici en pleine enquête auprès de la rébellion ivoirienne, procureur de la Cour pénale internationale
Les observateurs attentifs de la crise ivoirienne et de l’attitude de l’ONUCI l’ont noté. Le 27 mars 2011, jour du lancement de l’offensive militaire généralisée par Ouattara, l’armée française et l’ONUCI, Hamadoun Touré (1), alors porte-parole de l’ONUCI, affirmait que la crise post-électorale avait fait 510 morts dont des FDS. Puis, plus rien. Silence. La comptabilité macabre n’a plus eu d’intérêt. Au final, l’on a appris qu’il y avait eu en tout 3000 morts. Mais qui avait tué qui ? Brouillard. Mystère. C’est dans ce contexte qu’Alassane Ouattara, lors de son interview accordée à Alain Foka de RFI, a réussi le tour de bras d’attribuer les 3000 morts officiels à son rival. « Gbagbo a été le chef suprême des Armées et cette Armée a tué plus de 3000 personnes », a-t-il prétendu, insinuant au passage que ses hommes étaient blancs comme neige.
Dans sa verve accusatoire, Louis Moreno-Ocampo, qui charge au maximum l’accusé, laisse tout de même échapper une vérité. Les forces pro-Ouattara ont commis au moins deux fois plus de crimes que leurs adversaires. « Entre le 28 novembre 2010 et le 8 mai 2011, les forces pro-Gbagbo ont dirigé contre des civils pris pour des partisans de Ouattara des attaques durant lesquelles elles ont tué de 706 à 1059 personnes, en ont violé plus de 35, en ont arbitrairement arrêté au moins 520 et ont infligé à 90 personnes au moins de grandes souffrances et des atteintes graves à l’intégrité physique », écrit-il.
Si l’on s’en tient au bilan officiel des 3000 morts, cela signifie que les forces pro-Ouattara ont tué de 2294 à 1941 personnes. Soit deux fois plus que les forces adverses et à un rythme autrement plus rapide. L’on ne peut passer ce constat par pertes et profits. Comment expliquer raisonnablement que les forces les plus meurtrières n’aient pas été inquiétées par la justice internationale alors qu’elles sont toujours sur le terrain, qu’elles ont été récompensées par leur chef et qu’elles continuent de commettre, en temps de « paix », de graves violations des droits de l’homme ?
Plus fondamentalement, comment expliquer qu’il a fallu une « Politique » concertée et partant du sommet de la pyramide pour tuer une minorité de victimes tandis que la majorité des morts (ceux causés par les pro-Ouattara) seraient liés à des « dérapages », à des « vengeances isolées » et autres concepts déculpabilisants véhiculés par les lobbies internationaux qui veulent justifier l’injustifiable ?