La fin d’un primitif est une furie meurtrière. La colère d’un homme noir et d’une femme blanche, enfermés trois jours dans un appartement. Leurs raisons sont différentes voir opposées, mais leurs cœurs sont tout aussi brisés. Kriss Cummings est importante : promue directeur adjoint depuis peu à l’Institut de L’Inde, elle occupe un bel appartement entre la troisième avenue et Lexington, mais redoute la solitude plus que tout. « Les filles blanches toutes puissantes couchent avec des nègres parce que leurs maris sont homosexuels ». Kriss en a épousé un à son insu, Ronny, « il veut sauver les nègres » de surcroît. Pour se venger de cet affront (mais elle en avait déjà le goût avant), « elle résout le problème nègre au lit ». Au moins ses amants nègres la traitent comme une femme alors que « les blancs la prennent pour une bête à plaisir »… Plus tard elle essaiera de se faire épouser par Dave mais la mère de ce dernier veut une vraie juive pour son fils… Pas épousable par un blanc donc. Et Harold, noir et érudit, a déjà sa femme blanche et, « même à Chicago en ce temps-là, deux blanches pour un noir », c’était trop. Pour supporter sa détresse mentale et sentimentale Kriss boit beaucoup, baise pas mal et prend des petites pilules en tout genre.
Jesse Robinson est écrivain. Il habite une pension crasseuse à Harlem, remplie d’homosexuels et vit séparé de sa femme Becky depuis un an. Il ne supportait plus la vie qu’il lui imposait. Aujourd’hui, elle est passée récupérer la literie, pourtant il est sûr de l’aimer encore. Les « libations excessives » ont brouillé ses traits, mais il reste très attractif. Après avoir touché une avance, il apprend que son manuscrit est finalement refusé : trop protestataire, et d’après l’éditeur, les gens en ont marre du désespoir des noirs, ils veulent entendre l’histoire d’un noir qui réussit. Mais Jesse lui répond « qu’il n’a pas assez d’imagination pour ça. » Jesse est rarement sobre, fait « des cauchemars remplis de meurtres violents, de viols, de combats furieux. » Tous deux ont besoin d’alcool pour plonger dans « l’hébétude qui arrondit les angles ».
C’est Jesse qui rappelle Kriss. Après plusieurs années, il a toujours envie de « baiser cette garce ». Il se souvient des trois jours passés à Chicago, où ils avaient baisé et bu comme des dingues ne s’habillant qu’une seule fois pour sortir manger. Ils se sont connus sept ans auparavant, il était jeune écrivain, elle croyait en lui… Kriss se souvient qu’il lui avait promis de quitter sa femme et de revenir vivre avec elle. Elle lui rappelle bien à cet « enfant de putain » que s’il baise encore sa femme, elle le tuera. Elle n’a pas envie qu’une de « ces salopes de négresses lui coure après avec un couteau ».
Jesse pense savoir que les blanches veulent toujours être violées par les noirs parce que c’est interdit. Il se vend, qu’elle paye de son corps. Kriss est autoritaire, elle aimerait qu’il soit encore son esclave. Elle a des fulgurances de passion et des orgasmes rapides sans même qu’il la pénètre. Jesse a de nombreuses absences et parle tout seul sans s’en rendre compte. L’appartement ne désemplit ni d’amis (Dave, Harold, Walter et Lucile sa femme) ni d’alcool. Des discussions animées et avinées s’enveniment, Kriss jouit des disputes qu’elle suscite, s’excite du malheur des autres et de la violence. Elle aimerait voir Jesse, qui l’insulte enfin à haute voix, la gorge tranchée par un Walter vengeur, étendu sur son parquet, baignant dans son sang. Mais c’est « le Nègre qui tue la Blanche ». Sans en avoir conscience, dans un semi coma éthylique, une fois tout le monde parti, sur fond de télévision et, fait étrange, sans l’avoir violée.
C’est le premier roman de Chester Himes que j’ai lu.
Texte – Princess Erika