Sur le blog qu'il tient sur le site Rue89, Noël Mamère, député Europe-Écologie les Verts, a, hier, vivement remis en cause les buts réels et les modalités de l'intervention militaire française au Mali. (À l'instar de l'ensemble de la gauche française, lorsqu'on liste les interventions occidentales armées, on ne signale jamais la Côte d'Ivoire...). Meileurs extraits de sa tribune parue ICI).
François Hollande a pris une décision d’une extrême gravité, seul dans le palais de l’Elysée, sans avoir préalablement consulté le Parlement, comme la gauche s’y était pourtant engagée.
Les raisons qu’il a données pour décréter l’intervention sont connues. Les groupes qui occupent le Nord-Mali sont des fascistes et des fanatiques, doublés de trafiquants, qui font subir à la population malienne des violences inacceptables. Ils doivent être chassés.
La décision a été prise dans le cadre de la résolution 2085 de l’ONU, selon une interprétation discutable du droit international, et malgré un désaccord très clair entre la France et le reste du monde sur le tempo (...)
Mais la question n’est plus là. Elle n’est même plus celle des otages Français, passés par profits et pertes de cette intervention précipitée et isolée. La seule question qui vaille aujourd’hui est bien : quelle est la politique africaine de la gauche au pouvoir ? Va-t-elle poursuivre dans son rôle de gendarme de l’Afrique, comme nous le faisons depuis 150 ans ou créera-t-elle les conditions pour que les Africains prennent en main leur destin ?
Depuis les 50 ans d’indépendance des quatorze pays africains francophones, on ne compte pas moins de 50 interventions militaires françaises pour défendre les dictatures, nos expatriés et nos intérêts. Depuis quelques années, ces interventions se font au nom du droit d’ingérence et des droits de l’Homme. Malgré toutes les déclarations de notre gouvernement sur la fin de la Françafrique, cette dernière intervention se situe dans la continuité d’une politique que nous dénonçons depuis longtemps. (...)
Toutes les interventions militaires de ces dernières années (par exemple, en Afghanistan, en Irak et en Libye) se sont conclues par des succès militaires dans un premier temps, aussitôt suivis par des défaites politiques, et ce pour une simple raison : on ne remplace pas la volonté souveraine d’un peuple. Lorsque l’Etat est démantelé, il faut le reconstruire, lorsque l’unité d’un peuple est brisée, il faut la rétablir, lorsque l’armée est décomposée, il faut la rassembler, la former, lui redonner le moral.
C’est cette décomposition de la nation malienne qui est advenue ces derniers mois. Et ce, en grande partie, à cause de l’intervention française en Libye. La politique de Nicolas Sarkozy a entraîné le retour de centaines de Touaregs surarmés, désœuvrés et prêts à se jeter dans une aventure avec les djihadistes.
Parallèlement, la France n’a pas aidé le Mali à se défendre ; elle a abandonné le Président Amani Toumani Touré (ATT), tout seul dans la tempête qui se préparait. A deux mois de la fin de son mandat et de la transition politique, il ne pouvait même plus payer ses militaires qui se sont révoltés et ont entraîné l’effondrement de l’Etat malien. (...)
Oui, il faut en finir avec les groupes djihadistes, mais c’est au peuple malien de le faire, avec l’aide de la communauté internationale. (...)
Je ne suis pas un pacifiste bêlant ; je me suis prononcé pour l’interposition des troupes françaises en Côte d’Ivoire pendant dix années, afin de protéger les ivoiriens d’un nouveau Rwanda. Mais nous ne sommes pas dans ce contexte. (...)
Il ne faut pas se cacher la réalité, nous avons des intérêts stratégiques dans cette grande région du Mali : pétrole, uranium, ressources énormes en eau souterraine, terres cultivables…Tout cela est convoité par les multinationales françaises, qataries, américaines… Sans oublier la plate-forme aéroportuaire de Tassalit (près de Kidal), utile pour surveiller et contrôler toute la région du Sahel, la Méditerranée, la mer Rouge. (...)
On fait de grandes déclarations sur les mutins de Craonne, sur Vichy, sur la torture en Algérie, sur Sétif ou le 17 octobre, sur la Françafrique. Ceux qui ont eu le courage d’interpeller le pouvoir sont morts et enterrés depuis longtemps. Peu m’importe que Jean François Copé ou Marine Le Pen soutiennent le gouvernement dans cette affaire, que seules quelques voix dérangeantes se fassent entendre dans le consensus actuel. Je ne voudrais pas que, cette fois encore, faute d’avoir eu le débat public indispensable sur la guerre ou la paix, sur la vie ou la mort, on dise qu’à la Françafrique a succédé la Gauchafrique.