Jean-Claude Duvalier, clandestinement hébergé par la France depuis 1986, fut mis dans la boucle. N’était-ce pas Debray qui avait géré son arrivée en France en 1986 au moment de la transition entre Fabius et Chirac ? Duvalier n’était pas venu les mains vides. Dans l’avion des services secrets américains qui l’avait déposé à Grenoble, il y avait 900 millions de dollars d’économies, ce qui explique sans doute que son séjour temporaire en France, prévu pour six mois, se soit prolongé pendant 24 ans sous haute protection policière. (…) Chez madame Rossillon (voir précédent extrait), j’eus droit au dessert à un portrait apocalyptique tant du président Aristide que de ses partisans, dont elle alla jusqu’à mimer l’accent « haïtien » avec un mépris ostensiblement raciste qui me terrifia. (…) Je reçus quelques jours plus tard un appel de M. Selz (ancien ambassadeur au Gabon, placé auprès de Régis Debray pour déstabiliser Haïti en Afrique), m’annonçant que Debray voulait me voir, à la demande de Mme Rossillon. Pour composer sa commission, l'ex-guérillero bavard avait réuni un noyau dur d’universitaires chargés d’accréditer les thèses de Pétré-Grenouilleau et de discréditer tous ceux qui les critiqueraient : Myriam Cottias et Jean-Marc Masseaut, négrologues labellisés par le gouvernement, Marcel Dorigny, l’aile « chiraquienne » du Parti communiste, chargé de contrôler les travaux universitaires entrepris sur l’esclavage dans le cadre d’une association rassemblant quelques thésards naïfs, Yvon Chotard, un socialiste qui devait bientôt se défroquer pour passer à l’UMP et animait alors l’association les Anneaux de la mémoire, antenne associative du quai d’Orsay. Pour faire bonne mesure et colorer un peu cette commission de visages pâles, Jacky Dahomay, prof de philo guadeloupéen incapable d'être reçu à l'agrégation, mais qui bénéficiait d'un tout autre sésame puisqu'il était le protégé de Blandine Kriegel, une maoïste devenue, en s’embourgeoisant, conseillère de Chirac et présidente du Haut conseil à l’intégration (et, enfin, compagne à la ville du considérable Alexandre Adler, passé, lui aussi, des cellules du PC à celles, dormantes, d'Al Quaïda, ndlr).
Régis Debray (…) embarqua dans cette nouvelle aventure le père dominicain Gilles Danroc. Serge Robert, PDG de la Banque des Antilles françaises, représentait les intérêts financiers des Békés de la Martinique dont madame de Villepin faisait secrètement partie. Le sociologue Gérard Barthélémy devait mettre à la disposition de Debray son carnet d’adresses en Haïti. Quant à François Blancpain, spécialiste du racket imposé aux Haïtiens par la France en 1825, il devait élaborer un argumentaire permettant de ne pas rembourser ce qui avait été extorqué. (…) On leur demanda simplement de saboter le bicentenaire en le discréditant à travers leurs réseaux. Il suffisait de dire qu'Aristide était un satrape pervers et corrompu : une thèse concoctée dans les officines de la CIA et qui serait reprise à pleins poumons par toute la presse française. Le rôle clé de cette commission était détenu par quelqu’un qui n’apparaissait pas dans l’organigramme, la générale Albanel, alias Véronique de Villepin qui était envoyée par son frère comme une nouvelle Pauline Bonaparte accompagnant ce général Leclerc chargé de rétablir l'esclavage qu’était devenu Régis Debray. Un esclavage qu'on appellerait désormais « tutelle ». (À suivre) (évidemment !)
Texte - Claude Ribbe Photo - Le Gri-Gri
PS : www.claude-ribbe.com
PS 2 : les quatre précédents choix d'extraits tirés du blog de Ribbe figurent ci-dessous