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Le Gri-Gri International

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M.Burkard, ambassadeur de France en Haïti sous Aristide... Ribbe # 11

Publié par Gri-Gri International sur 8 Avril 2010, 14:01pm

Catégories : #Dom-Tom - Caraïbes & Amériques

Claude Ribbe devant le ChâteletBurkard Ambassadeur de France en Haïti vers 2006

M’étant rendu en Haïti pour travailler avec le ministre Leslie Voltaire sur le dossier de la restitution de la dette, je pris contact avec l’ambassadeur Burkard, qui avait pris son poste depuis quelques semaines. L’antichambre de l’ambassade jouxtait le bureau du service de presse d’Éric Bosc, un diplomate qui se comportait en véritable agent du putsch qui se préparait. Son bureau était entièrement tapissé d’articles hostiles au président Aristide et même de caricatures ouvertement racistes placées bien en évidence. (…) Burkard se prenait maintenant très au sérieux. Comme je ne lui cachais nullement ma position favorable sinon à la restitution, du moins à la nécessité d’examiner sérieusement et objectivement le dossier, il en vint à me demander si finalement j’étais français ou haïtien. (…) Pour m’impressionner, il me convia à prendre le thé dans sa résidence, au manoir des Lauriers, une splendide villa coloniale où il vivait gardé par des gendarmes armés jusqu’aux dents et servi par autant de domestiques « de couleur ». Burkard s’était acoquiné avec les plus opulentes familles à la peau claire de Pétionville qui vivaient dans un luxe dont on ne peut avoir idée et qui, presque toutes, étaient les plus actifs soutiens des putschistes. Chez ces gens-là, le foie gras, le caviar et le champagne étaient monnaie courante. On donnait des fêtes splendides, protégées par des milices privées armées de M16. Ceux qu’on appelait les « mulâtres » se seraient sentis déshonorés d’avoir moins de douze domestiques. Son chauffeur par enfant et sa nounou. (…) Je me rendis au manoir des Lauriers. L’ambassadeur éprouvait une jouissance non dissimulée à se faire servir par François-Joseph, un vieux domestique nègre auquel il imposait les gants blancs. L’ambassadeur était très énervé par l’arrivée prochaine de Debray et de sa commission. Il demanda mon avis sur la manière de traiter le dossier franco-haïtien. Je lui dis qu’il me paraissait souhaitable que le président français rencontre son homologue de Port-au-Prince. Burkard répondit avec une moue de mépris que le président de la République française ne se « commettait pas avec n’importe qui ». Cette phrase était incroyable dans la bouche d’un diplomate qui aurait dû, au moins, affecter un semblant de neutralité. Et particulièrement comique quand on sait quels étaient les amis de Chirac et de Villepin. Elle mit en tout cas un terme à notre entretien. (…) Burkard était extrêmement préoccupé par le dossier sur la restitution. Bosc était tout fier d’avoir réussi à se procurer l’argumentaire juridique développé par les Haïtiens grâce au directeur général du ministère des Haïtiens de l’étranger, Gabriel Frédéric, collaborateur du ministre Leslie Voltaire. Frédéric était pourtant un proche ami d’Aristide, qui était parfaitement informé de cette « trahison», mais ce haut fonctionnaire haïtien avait besoin d’un visa pour que sa maîtresse puisse se rendre en France. Telle était l’ambiance à Port-au-Prince, en cette fin d’année 2003. L’ambassadeur, suite à notre entretien, s’empressa de rédiger une dépêche pour expliquer à sa hiérarchie, c'est-à-dire à Villepin, que j’étais « à la solde » du président Aristide. On traitait ce dernier de dictateur. S’il l’avait été, sans doute aurait-il fait un mauvais parti à Frédéric et jeté les Burkard, Bosc et consorts dans le premier avion en partance pour la France. (À suivre, évidemment)

Texte - www.claude-ribbe.com

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