(…) Alors parlons de Régis Debray que j'admire beaucoup, je tiens à le préciser. (…) Les mauvaises langues – dont la fille de Che Guevara qui n’est certainement qu’une folle minée par le chagrin - disent que c’était un traître vendu aux Américains. Viles calomnies, évidemment, simplement fondées sur le fait que Che Guevara, qui se trouvait secrètement en Bolivie en 1967 et dont une taupe de la CIA révéla la présence, écrivit des choses dans son journal. (…) Le 28 mars : « Le Français a défendu avec trop de véhémence le fait qu'il serait utile dehors. » Je ne vois là que des soupçons infondés. Debray, jeune intellectuel gaulliste déguisé en guérillero, fils d’une sénatrice gaulliste et de… je ne sais plus qui, un autre gaulliste, je crois, était à l’époque en Bolivie avec Che Guevara. Mais il était pressé de s’en aller. Le Che se méfiait de cette envie précipitée de prendre l’air. Hasard heureux ou malheureux (on ne sait trop), Debray a été arrêté par les Boliviens qui travaillaient avec la CIA. Une fois aux mains de ces gens, je ne doute pas qu’un intellectuel de la trempe de Debray a été discret. Mais le Che, lui, avait des doutes. Après l’arrestation de Debray et de son compagnon Bustos, un autre intellectuel émérite, aussi fiable que Debray, les Boliviens et la CIA furent informés que le Che était en Bolivie. Après cette arrestation, voici ce que le Che note, à la date du 30 juin 1967 : « ... Sur le plan politique, le plus important est la déclaration officielle d'Ovando selon laquelle je suis ici. De plus, il a dit que l'armée fait face à des guérilleros parfaitement entraînés qui, même, comptaient des commandants vietcongs qui avaient mis en déroute les meilleurs régiments nord-américains. Il se base sur les déclarations de Debray qui, semble-t-il, a parlé plus que nécessaire bien que nous ne puissions savoir quelle implication cela a, ni quelles ont été les circonstances dans lesquelles il a dit ce qu'il a dit... »
Debray avait été arrêté et interrogé par les Boliviens et la CIA, notamment les 8 et 14 mai 1967. Je ne doute pas qu’il ait été héroïque, même s’il avait reçu quelques claques. Pauvre Régis ! Toujours dans son journal, Che Guevara note encore, à la date du 10 juillet : « Par ailleurs, les déclarations de Debray… ne sont pas bonnes ; surtout parce qu'ils (Debray et Bustos) ont fait des confessions à propos du but continental de la guérilla, chose qu'ils ne devaient pas faire. » Des « confessions » ? Et puis quoi encore ? Là, je doute de l’honnêteté du Che.
(à suivre)
Photo - GP (avec le numérique à Ma Solange Oussou)
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