Je ne peux pas vous raconter Les Assassins d’Elia Kazan. Chaque personnage a une histoire dont on pourrait faire un livre et tous ont quelque chose à perdre ou à gagner. Dans les années 70, au Nouveau-Mexique, on juge un homme, le sergent-chef Césario Flores, membre de L’Air Force, pour le meurtre de Vinnie, jeune dealer et amant de sa fille Juana. Flores, en bon Mexicain, n’a pas supporté que la perle de ses yeux suive un hippie violent parfois, à partenaires multiples, qui la détourne de son chemin, l’initie à la drogue et au sexe.
Son procès est le prétexte à une charge violente contre une société américaine malade au point d’absoudre ses criminels, de pousser les plus faibles au désespoir et où seuls les fous disent la vérité.
« Toute ivresse a ses lendemains ». Michael Winter, un doux dingue, fils de bonne famille qui refuse le viatique paternel, est l’ami de Vinnie. Au début, lui et le sergent se plairaient presque. Mais, au fil de ce procès mascarade, il se rapproche du lieutenant Allan Kidd, le gendre du colonel Dowd, supérieur de Flores. Le colonel, pour faire plaisir à sa fille, lui confie l’enquête. Un désillusionné lui aussi… Quand il s’implique trop, on lui retire l’affaire. La base est un lieu clos. On s’y marie, on y habite, on y baise. Allan Kidd a baisé Juana. Don Wheeler, avocat vedette du plus gros cabinet du comté, a sa femme en sursis. Lui et Gavin, son associé, qui se révèlera être bien plus par la suite, assurent la défense de Flores. Gavin aussi va baiser Juana. Pour la ramener à la raison. Pour la ramener à son père.
Cy Walker, le procureur général voudrait expédier l’affaire sans en avoir l’air. C’est sa dernière, après il part à la retraite. Au début, il accepte de recevoir cette bande d’illuminés minables qui demande justice, Michael en tête. Le juge Thurston Breen, qui rêve d’être gouverneur, a déjà changé de nom et ne recule devant rien, même quand sa femme lui assure pourtant qu’il est du mauvais côté… Il dit : « Je représente les habitants de cet état. » Elle demande : « Quels habitants ? » Tout tourne et se retourne. Allan veut sauver Michael malgré lui. Mais ce dernier, de plus en plus paranoïaque et dépenaillé pendant les audiences, ne croit plus personne. Il trouve quelque réconfort dans les bras de Donna, l’assistante de Cy Walker - qu’elle trahit sans aucun scrupule, mais pas assez pour empêcher ses cauchemars de l’assaillir.
Flores a tué un Noir. Le jour où il a descendu Vinnie. Ce ne sera même pas évoqué au procès. Pourtant des manifestations de jeunes se tiennent aux marches du palais… Que vaut le prix d’une vie ? La vie d’un autre homme ? Qui assassine qui ? Encouragé par ses supérieurs et avec l’approbation du jury, le droit de prendre deux vies est-il plus acceptable ? Certainement. « Le jury vota le verdict en quelques minutes : non coupable. » Les Assassins, oppose la légende d’un système à sa réalité gisante et inutile comme la flotte aérienne de l’Air force : un cimetière de bonnes intentions. Parce que quelqu’un doit payer pour cette injustice et qu’une étreinte suffit pour tout dénouer ou peut-être rien du tout… Parce que les innocents finissent coupables, les fous en sains d’esprit, les salopes en saintes, tout en violence, tout en douceur… Parce que, même si j’en évoque les contours, je ne peux pas vous raconter Les Assassins d’Elia Kazan.
Princess Erika
Les Assassins est un roman écrit par Elia Kazan, publié en livre de poche.