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Le Gri-Gri International

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#CPI / Ce que je retiens des deux premiers jours du procès de Laurent Gbagbo, par Louis-Marie Kakdeu

Publié par Gri-Gri International sur 30 Janvier 2016, 10:00am

#CPI / Ce que je retiens des deux premiers jours du procès de Laurent Gbagbo, par Louis-Marie Kakdeu

Réflexion proposée par l'universitaire camerounais Louis Marie Kakdeu sur Facebook et reproduite ici avec son autorisation. Merci à lui et pour la stimulante analyse et pour la permission de reprendre.

La stratégie de l'accusation est axée sur l'ivoirité. Elle s'emploie à connecter tous les propos et actes xénophobes qui ont été prononcés ou perpétrés en Côte d'Ivoire par des individus divers à Laurent Gbagbo. C'était lui le chef de l'Etat et il en est responsable d'après elle. Sans le savoir, l'accusation confirme que Laurent Gbagbo était Chef de l'Etat jusqu'à son arrestation le 11 avril 2011, ce qui ouvre encore le débat de savoir qui avait gagné les élections. En tout cas, la limite de le poursuivre pour sa responsabilité en tant que Chef de l'Etat est aussi là.
Mon sentiment personnel est que l'accusation semble avoir une méconnaissance avancée de la Côte d'Ivoire. C'est la limite de tout ce qui est écrit à l'Elysée ou au Quai d'Orsay. Il y a un décalage béant avec la réalité sur le terrain. Par exemple :
- On ne peut pas méthodologiquement déconnecter la crise post-électorale de la crise pré-électorale. Ce qui s'est passé après les élections était la conséquence de ce qui s'était passé avant les élections. On ne peut pas comprendre l'après-élection si l'on ignore l'avant-élection. Or, la procureure ne s'intéresse à l'avant-élection que de façon partielle (propos tenus par Gbagbo: Mais, en réaction de quoi? Cela ne l'intéresse pas comme si l'on jouait un match de football tout seul)
- On ne peut pas dire qu'Abobo était le fief d'Alassane Ouattara. Même le résultat contesté des présidentielles de 2010 prouvent le contraire puisque les deux candidats (Ouattara et Gbagbo) sont au coude à coude. Pis, la procureure semble ignorer qu'elle parle d'une commune où Simone Ehivet Gbagbo (épouse de Laurent Gbagbo) était députée. En d'autres termes, Abobo est plutôt le fief de Gbagbo à travers sa femme.
- On ne peut pas en même temps dire que l'ivoirité a été créée par Henri Konan Bédié (PDCI) et défendre que le but ultime de ce "plan" était de maintenir Laurent Gbagbo au pouvoir (FPI). Donc, le PDCI avait mis son plan sur pied pour permettre au FPI de se maintenir au pouvoir? Mince!
- On ne peut pas impliquer qu'en Côte d'Ivoire, les ivoiritaires sont du FPI (et non du PDCI, l'un des partis majoritaires). J'ai publié un article scientifique sur la violence politique dans le discours politique ivoirien en 2014 je crois. Les propos les plus violents sont enregistrés avant 1998 et ce sont les auteurs de ces propos qui dirigent le pays aujourd'hui. Lorsque je prends en compte la violence avec laquelle le journaliste Venance Konan s'exprimait dans le quotidien gouvernemental Fraternité Matin en 1998 sur Alassane Ouattara, je comprends mal que le même Alassane Ouattara lui confie la direction de ce quotidien gouvernemental de nos jours avec pour mission de dire que Gbagbo est ivoiritaire. Il faut juste rappeler que beaucoup de travaux scientifiques existent sur l'ivoirité (travaux qui se basent sur les faits difficilement critiquables) et qu'il serait indiquer que la procureure les lisent afin de ne pas se rendre ridicule par son accusation visiblement politique et partielle.Il ne faudrait pas qu'elle se fasse prendre au piège parle phénomène de transhumance politique en Côte d'Ivoire.
- On ne peut pas reprocher à un Chef de l'Etat nouvellement élu d'appliquer une constitution qui a été votée par référendum trois mois seulement avant son élection. Pis, l'article querellé avait été approuvé par Alassane Ouattara et Guillaume Soro, eux-mêmes qui avaient appelé à voter le Oui.
- On ne peut pas reprocher à un Chef de l'Etat d'avoir mobilisé l'armée républicaine contre la rébellion sauf si l'on considère que c'est la rébellion qui était le véritable gouvernement. Lorsqu'on suit l'affaire des écoutes téléphoniques au Burkina Faso, on comprend effectivement de quel côté se trouve la stratégie du chao et avec le soutien de qui. Les gens ne peuvent pas, comme au Burkina, planifier de semer le chao pour qu'on fasse porter le chapeau au gouvernement légal qui réplique. La Côte d'Ivoire a été attaquée et Gbagbo a répliqué. Il y a eu des morts. Mais, qui a provoqué? Qui n'a eu pour stratégie que la prise des armes? Si la procureure pouvait répondre à ces questions, cela permettrait d'avancer dans les débats.
Donc, ce procès à la CPI est la concrétisation d'une cabale. Je n'attends rien de l'issue dans la mesure où Gbagbo sera jugé par l'histoire. Mandela a fait 27 ans de prison et de nos jours, il est l'homme le plus célébré de l'humanité. Il était considéré comme terroriste aux USA jusqu'en 2008. C'est pour vous dire! C'est une affaire de destin aussi. Le destin de tous et de chacun. Le destin des grands hommes.

TEXTE : LOUIS MARIE KAKDEU

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