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Article en date du 20 février 2015
« On n’est pas ici pour faire la comédie ! » Le président du tribunal tente ce mercredi 18 février de ramener le calme dans une salle d’audience hilare, mais lui-même a du mal à réprimer un sourire affligé. Face à lui, un homme qui bégaye quelques mots d’un français incompréhensible, qui titube plutôt qu’il ne marche vers le box des accusés pour désigner maladroitement Michel Gbagbo. Après lui avoir demandé s’il avait toute sa tête, le président renvoie ce « témoin » incapable d’exprimer clairement, même dans sa langue maternelle, ce qu’il reproche au fils de l’ancien président ivoirien.
Michel Gbagbo fait partie des dernières personnalités de l’ancien régime ivoirien à comparaître lors de ces assises qui réunissent, depuis fin décembre 2014, 82 coaccusés de crimes d’atteinte à la sûreté de l’Etat pendant la crise post-électorale de 2010-2011, avant l’ultime audience de Simone Gbagbo prévue lundi.
Plusieurs témoins se succèdent à la barre, affirmant avoir vu l’enseignant dans un cortège de paramilitaires qui ont tenté de voler des urnes au soir du second tour en novembre 2010 dans un quartier de Yopougon, à Abidjan. Michel Gbagbo assure pourtant n’avoir été à l’époque qu’un simple militant du parti de son père, le Front populaire ivoirien (FPI), sans aucune responsabilité politique, avant de se dire convaincu d’être poursuivi uniquement parce qu’il est le fils de son père.
Ambiance bon enfant
Ce ne sont pas les questions du tribunal qui permettront de lever le doute : « Que pensez-vous de la présence de mercenaires libériens en Côte d’Ivoire ? » ou encore « 3 000 personnes sont mortes pendant cette crise, quel est votre sentiment ? »
Le ton tourne plus à la conversation qu’à l’interrogatoire, dans une ambiance bon enfant qui était aussi celle, la veille, de la comparution de Pascal Affi N’Guessan. Le président du FPI a assuré ne pas être au courant de la manière dont les barrages étaient tenus par les miliciens dans les rues car il était plutôt occupé à tenter de trouver une solution à la crise en consultant les différents leaders politiques et des diplomates.
Pascal Affi N’Guessan a profité de cette tribune pour lancer un appel au pardon, demandant aux jurés de prendre une décision qui rassemble plutôt que d’approfondir le ressentiment, et de fermer la page de la prison. La plupart de ces cadres sont restés plusieurs mois ou années dans des centres pénitentiaires à l’intérieur du pays : ces audiences sont aussi l’occasion pour eux de rappeler les mauvais traitements qu’ils ont subis pendant leur incarcération.
Manque d’éléments concrets
Les avocats de l’Etat ivoirien tentent parfois de confondre les accusés en leur rappelant des propos publics virulents ou ambigus, des appels à la haine. A Martin Sokouri Bohui, chargé des élections au FPI, on reproche par exemple d’avoir déclaré pendant la campagne qu’Alassane Ouattara « n’était pas ivoirien et ne serait jamais président », une vieille rengaine utilisée contre l’actuel président par ses multiples opposants politiques depuis la fin des années 1990. Si l’accusation affirme que cette phrase a été relayée par la télévision nationale, elle est incapable d’en fournir l’enregistrement.
Face à la rareté des preuves présentées, la défense a ainsi le champ libre pour nier, ou simplement évoquer des trous de mémoire. Il sera ainsi difficile aux jurés de se fonder sur des éléments concrets pour se faire un avis au terme d’un procès qui ne semble pas les passionner : sur les six, à peine la moitié prend régulièrement des notes.
Texte / Maureen Grisot