André Mba Obame est officiellement mort hier, le 12 avril 2015. On peut sans trop s'avancer pronostiquer que peu d'articles de la presse internationale insisteront sur le fait qu'André Mba Obame était le président que les Gabonais s'étaient donné en 2009.
En 2009, suite au décès du Mollah Omar Bongo, et afin que la transmission de sceptre ait les atours démocratiques que la communauté internationale (cette machine infernale) exige, se tinrent au Gabon des élections présidentielles.
Officiellement - et à la satisfaction internationale particulièrement à Paris où sévissait alors un fils de Hongrois grand comme un petit Bateke -, Ali Bongo en fut déclaré vainqueur.
Investi par une Cour constitutionnelle qui était illégitimement dirigée (depuis trois mandats !) par une bonne amie de feu son père (adoptif, pourrait-on dire sans se faire taxer de xénophobie).
Fin 2010, aux abords d'une autre élection présidentielle à succès, celle qui allait opposer Laurent Gbagbo au candidat de l'Elysée Ouattara, la télévision publique française s'apprête à diffuser un documentaire (sur lequel il y aurait beaucoup beaucoup à redire et corriger), en deux parties, La Françafrique. A cet égard, une bande-annonce est mise en ligne sur youtube, dailymotion, etc.
Parmi les premiers à la regarder (le sujet nous chaut particulièrement, il est vrai), nous y fîmes l'invraisemblable découverte suivante, attestée par des témoignages d'officiels et diplomates français à la parole et la légitimité incontestables : Ali Bongo avait perdu la présidentielle et la France l'a grandement aidé à inverser le résultat...on connaît le savoir-faire gaulois en ce domaine. Le vrai vainqueur en était l'ancien ministre de la Défense d'Omar Bongo : André Mba Obame.
Nous relayâmes plus que de raison la bande-annonce. Ne contribuant pas peu, a minima, à la diffusion auprès des concernés Gabonais (et Africains, sur le continent et dans les diasporas, plus généralement) de l'incroyable nouvelle : la France admettait publiquement avoir bafoué la démocratie et renversé le verdict d'une consultation au Gabon.
L'information fit l'effet qu'on peut imaginer (nos statistiques sur le web s'en souviennent).
Et eût, entre autres, comme conséquence la revendication par André Mba Obame du siège de président et la constitution par lui d'un gouvernement légitime, en attente de voir les usurpateurs démis de leurs fonctions désormais officiellement parodiques.
Les manifestations fleurirent. Plusieurs morts.
Au point qu'AMO fut amené à se réfugier, avec son gouvernement, dans les locaux de l'onusien PNUD de Libreville début 2011. Durant cette période, nous reçûmes quotidiennement photos et informations exclusives depuis le PNUD. Que nous mettions en ligne immédiatement, bien sûr*.
Pour le Gri-Gri International, un problème politique et rédactionnel se profilait : comment exiger le respect de la Constitution ivoirienne, qui venait d'investir Laurent Gbagbo, tout en contestant celle qui au Gabon avait illégitimement investi ABO aux dépens d'AMO ?
Une réponse militante fut adoptée : le Gri-Gri soutiendra ceux qui sont victimes des brigandages politico-militaires de la France, les victimes de l'impérialisme conquérant plus vivant que jamais. Et donc les Ivoiriens à la Constitution bafouée et les Gabonais dépossédés de la leur.
Des marches d'approche furent engagées. Des contacts, dont nous fûmes témoin, ont même été établis entre un avocat du Président Gbagbo et André Mba Obame depuis le PNUD. Au regard du protecteur soutien d'Omar pour ADO, si les Gabonais réellement élus soutenaient les Ivoiriens réellement élus, et réciproquement, la machine françafricaine se déréglait encore un peu plus sous le poids de ses contradictions. D'autres pays pouvaient commencer de s'agiter - un jeune Sénégalais, Malick Noël Seck, ne s'était-il pas élevé, avec un certain retentissement, contre l'action française en Côte d'Ivoire ?
Nous rédigeâmes à cet effet une série de questions, directement transmises à Mba Obame. Par skype ou par écrit, nous attendions le signal des Gabonais pour collecter les réponses.
Il ne vint jamais.
André Mba Obame et son gouvernement finirent par sortir du PNUD. Malade (empoisonné selon les plus virulents), il disparut de la circulation. Réapparut en Afrique du Sud, considérablement affaibli. Avant donc de s'éteindre.
Et la Franco-Gabonie a continué son vilain bout de chemin.
TEXTE / GREGORY PROTCHE
PS : * retrouvez tous les posts consacrés à la victoire d'André Mba Obame et à son exil intérieur avec son gouvernement dans les locaux du PNUD à Libreville début 2011 ICI.
PS 2 : et bien sûr, ci-dessous, la bande-annonce évoquée.