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Le Gri-Gri International

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IBK marche pour Charlie à Paris et oublie les militaires maliens tués / par Omar Mariko, député malien

Publié par Gri-Gri International Oumar Mariko sur 5 Février 2015, 19:00pm

Catégories : #Mali, #CharlieHebdo, #Niger

IBK marche pour Charlie à Paris et oublie les militaires maliens tués / par Omar Mariko, député malien

Cette tribune nous a été envoyée avec pour titre initial "Le prix de l'inconséquence"

Deux jours avant la tuerie de Charlie Hebdo, le 5 janvier au matin, une milice a attaqué les positions de l’armée malienne dans la ville de Nampala, ville du Mali proche de la frontière mauritanienne. Lors de cet attentat onze militaires maliens ont été tués. Dès l’annonce de cette triste nouvelle, le Parti Sadi a demandé au Gouvernement l’organisation de funérailles nationales. Malheureusement, nous n’avons pas été entendus et nous avons été les seuls à nous déplacer pour présenter nos condoléances aux familles des victimes. Le 11 janvier sept dirigeants africains, dont le Président du Mali, IBK, défilaient dans les rues de Paris pour rendre hommage aux 17 morts Français. Ces deux événements, Charlie Hebdo et Nampala, étaient pourtant en tous points similaires, une attaque commando organisée pour tuer et réalisée par les mêmes groupuscules obscurantistes se revendiquant de l’Islam. Evidemment, nous avons de la compassion pour les familles des victimes françaises, mais est-il anormal de demander la même compassion pour nos morts et en particulier celle de notre Président ? En se précipitant à Paris pour être sur la photo des puissants de ce monde contre la barbarie, ces chefs d’Etat, de Faure Gnassigbé à Ali Bongo, en passant par IBK et Mahamadou Issoufou, n’ont pas mesuré les conséquences de cette présence sur leurs opinions publiques. Les populations ont-elles eu tort d’interpréter la marche de leurs Présidents sur le pavé parisien comme du mépris face à leur sort, à la barbarie qu’elles affrontent chaque jour et aux drames qu’elles vivent quotidiennement ? En tweetant : « Mes collègues Africains rendent des hommages aux morts français, mais les morts de chez nous, ils s’en foutent. Vous faites honte à l’Afrique. » le Président camerounais, Paul Biya, a dit tout haut ce que beaucoup d’Africains pensaient tout bas.

Car il ne faut pas s’y tromper, les manifestations au Niger comme au Mali contre les dernières caricatures du Prophète publiées par Charlie Hebdo, relèvent plus de la colère contre leurs Présidents respectifs Mahamadou Issoufou et IBK que d’une révolte contre la liberté d’expression ! Ensuite, il a été facile pour les fondamentalistes de récupérer les manifestations, ils savent parfaitement et depuis longtemps instrumentaliser cette colère, la frustration, la misère et le ressentiment des populations. Conséquence de cette marche parisienne : au moins 10 morts au Niger. Qui leur rendra hommage ?

Personne n’a relevé qu’il n’y avait eu aucune manifestation contre ces caricatures au Burkina Faso, alors que ce pays est à majorité musulmane. La raison en est simple, non seulement les autorités de transition, qui dirigent ce pays depuis la chute de Blaise Compaoré, n’étaient pas présentes à Paris, mais elles ont honoré leurs morts en rendant les 13 et 14 janvier dernier, un hommage national et digne lors du rapatriement des corps de 19 victimes burkinabé décédées lors du crash de l’avion d’Air Algérie. J’étais le seul représentant malien à ces cérémonies, pourtant cet accident a eu lieu sur notre sol et le Mali est responsable de l’enquête sur les circonstances de ce drame. Ni notre Président, ni aucun membre de notre Gouvernement n’a fait le voyage jusqu’au Burkina voisin pour présenter ses condoléances aux familles. Y ont-ils seulement pensé ? Lors de la veillée funéraire, le Président de la transition Michel Kafando et son Premier ministre Yacouba Zida étaient aux côtés d’un imam, d’un évêque, d’un pasteur et d’un chef coutumier dans un hommage œcuménique. C’est cette Afrique là que nous reconnaissons et aimons.

Depuis ces événements, les attaques des groupes armés, des djihadistes, des milices ont fait encore plus d’une vingtaine de morts notamment lors de combats dans le village de Ténenkou. La situation sécuritaire au Mali se dégrade vite. Le cessez le feu négocié lors du troisième round des pourparlers d’Alger en octobre 2014, est une lettre morte. Ces pourparlers doivent reprendre mais il ne faut pas être naïf, les négociations ne peuvent pas aboutir à une paix durable. En effet, les accords seront signés pour satisfaire aux exigences de la communauté internationale et non pour préserver l’unité du Mali et des Maliens. La paix ne peut être gagnée que par un véritable dialogue entre Maliens avec comme seul et unique but : l'intérêt du Mali.

En attendant, le peuple malien paye le prix fort à la fois de l’inconséquence de ces dirigeants successifs qui n’ont pas su, pas pu, pas voulu, régler la question du Nord Mali et de l’inconséquence de la coalition internationale qui a mené la guerre en Libye sans en mesurer les effets pour toute la région sahélienne et pour le Mali en particulier. A l’époque, les Maliens ne s’étaient pas trompés, par dizaines de milliers, ils étaient descendus dans les rues pour dire : « Non à la guerre en Libye ». Ils n’ont pas été entendus…

Par Oumar Mariko
Président du Parti SADI (Solidarité Africaine pour la Démocratie et l’Indépendance)
Député de l’Assemblée Nationale du Mali

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