Comme tous ceux qui étaient au Parc pour le Trophée des champions face à Toulouse, je l’aime déjà. Il s’est passé quelque chose entre le Parc et ce gamin.
Je hasarde : le début d’une histoire d’amour.
Skriniar était encore plus lent, maladroit et sans idée que d’habitude. Les défenseurs que la Série A laisse partir, hein. On sentait la foule prête à le prendre en grippe. À se venger sur lui de tout le reste. Le recrutement. Une équipe qui joue la possession et ne marque qu’en contre parce qu’elle est plus rapide que technique. L’absence de créativité. Un criant manque de génie. Ce côté équipe de hand aux abords de la surface adverse. Mukiele. Ndour. Ad lib.
C’est pile là que Skriniar se blesse. Et sort. Remplacé par Beraldo.
Dans l’impossibilité de le siffler comme il le méritait, le Parc a comme par magie et un seul homme transformé sa haine frustrée en amour moqueur (au départ) pour l’entrant. C’était trop tentant : chanter le mouflet inconnu possiblement produit d’une énième escroquerie d’agents pour punir le mercenaire de l’est symptomatique de notre éternel amateurisme de parvenus dindons cocus.
Durant plusieurs minutes, le match n’a plus existé. Suspendu aux premiers pas d’un joueur qui pour la première fois de l’histoire du club ne dribblait pas, ne provoquait pas, ne se procurait pas d’occasion.
Toulousains et Parisiens sur le terrain semblaient complices et prendre plaisir à envoyer le ballon vers notre néo chouchou. Déclenchant chaque fois qu’il le touchait, et jusqu’à la dinguerie complète, une espèce de bronca rigolarde, joyeuse, dévastatrice. Entre un narquois « Olé » de corrida et un « Et allez » dépité et goguenard. Adopté en deux minutes par tout le stade. Génial. Un moment unique. Inoubliable. On y a tous mis du nôtre. Mioches et darons. Le warholien quart d’heure de gloire absolue. Pour Beraldo comme pour nous. Car le public du Parc est mieux qu’un douzième homme : une vedette en soi. Une de ces séquences prêtes pour la légende, les anthologies et les highlights. Si un jour il devient un de nos grands joueurs, combien de fois lui reparlera-t-on de ses premiers pas au Parc.
Pour commencer, il n’a pas compris. On ne pouvait pas à ce point le connaître et l’attendre. Il ne pouvait pas davantage concevoir qu’il nous soulageait au point de susciter une telle ferveur. Il n’a pas pour autant perdu pied. Jouant lisse. Simple exprès. Pour ne pas se laisser envahir. Et ça n’en finissait pas, les lancinants « Olé-Allez ! ». Juste derrière, on croyait entendre le Parc rire. Un de ces rires satisfaits d’enfant qui a imité son père à table et provoqué l’hilarité de toute la famille. « Allez-Olé ! ». Comme si en ne « répondant » pas à nos rugissements, Beraldo les nourrissait. Que se passait-il dans sa tête ? Savourait-il au moins un peu ? Nous les vieux, on faisait un peu coûteux pari : si Beraldo coule, il nous restera une historique séance de moquerie collective, mais s’il devient une de nos étoiles, nous aurons eu le privilège d’assister à son inoubliable mise sur orbite.
Grégory Protche
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