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Le Gri-Gri International

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ZunZuneo, le facebook-espion que les USA ont installé à Cuba

Publié par Gri-Gri International dr sur 3 Juin 2014, 08:32am

Catégories : #Politique

ZunZuneo, le facebook-espion que les USA ont installé à Cuba

Le 4 avr 2014

Le potentiel des media sociaux est redoutable. Utilisés dans le cadre d’une stratégie digitale réfléchie, ils deviennent de puissants outils. L’Associated Press relate ainsi une histoire stupéfiante qui montre à quel point inventivité et maitrise numérique peuvent être mises au service d’invraisemblables opérations d’influence. Diplomatie Digitale s’intéresse particulièrement aux enjeux économiques, sociaux et sociétaux auxquels doivent faire face les parties prenantes civiles que sont les entreprises, les ONG etc. mais en l’occurrence, c’est un projet du gouvernement américain qui focalise toutes les attentions : amoindrir le système communiste cubain en créant de toutes pièces un réseau social manœuvré par les Etats-Unis et distillant des informations politiquement orientées dans une optique d’influence des populations locales. De nombreux parallèles peuvent pourtant être effectués avec les opérations de communication corporate.

Selon l’AP, ce projet, mené par l’USAID (US Agency for International Development) consistait à développer secrètement un réseau social de type Twitter appelé ZunZuneo sans alerter le gouvernement Castro, et en contournant les restrictions liées à l’usage d’Internet en vigueur à Cuba. La tactique est simple : initier le développement du réseau social en fédérant les audiences cibles autour de contenus neutres et objectifs tels que le football ou des informations sur les ouragans. Puis, une fois un certain seuil franchi, il s’agissait de commencer à distiller des propos plus politiques incitant à la mobilisation contre le gouvernement en place et utiliser les données privées des utilisateurs ainsi recueillies pour leur communiquer des messages politiques. Parmi les références considérées pour initier un tel projet, la Moldavie et les Philippines, où le pouvoir des messages de type SMS avait été remarqué dans l’émergence de mobilisations politiques. Et évidemment, l’Iran, et sa « révolution Twitter », probable modèle considéré comme reproductible ?

La construction de l’opération est à mille lieues d’avoir été hasardeuse et comporte plusieurs éléments similaires aux manœuvres d’influence corporate pouvant émerger des intellects des spin doctors. Selon les documents que l’AP déclare avoir consulté, l’équipe derrière ZunZuneo pouvait envoyer des "blasts informatifs" à ses membres, sur le même modèle que celui des opérations marketing d’envoi de newsletters. L’AP révèle par ailleurs que la population cubaine a été divisée en 5 segments cibles, selon le degré de loyauté au gouvernement et donc aux propriétés réceptives hétérogènes. Afin de bien comprendre ces segments, l’équipe de ZunZuneo a demandé leurs avis à 100 000 cubains sur la pertinence, pour deux groupes de musique de participer à un grand concert en faveur de la paix. En fonction des réponses, ZunZuneo pouvait caractériser l’échantillon ainsi contacté et adapter la teneur de ses propos. Tout le but de l’opération semble avoir été d’influencer chaque audience afin de l’orienter vers des dispositions politiques toujours plus anti système. Pour ce faire, et comme pour les opérations de communication, la question l’adaptation du message à la cible est essentielle afin de proposer des informations pertinentes ou tout du moins susceptibles d’intéresser les audiences concernées. Par exemple, il avait été recommandé que les messages ne pouvaient pas contenir à la fois des éléments humoristiques et politiques afin de ne pas créer d’animosité et de rejet.

Cette opération de grande envergure fait appel aux mécanismes obscurs que l’on rencontre plus souvent dans les manœuvres classiques des services secrets : comptes offshore, liens cachés entre les entreprises impliquées et le gouvernement américain etc. Selon la loi américaine, l’approbation présidentielle est une condition préalable à toute opération sous couvert mais il est aujourd’hui difficile de connaitre la vérité sur le véritable soutien dont a pu disposer l’opération. Au-delà des détails de cette initiative, c’est l’ampleur de ce projet d’influence qui étonne.

Difficile d’ailleurs d’émettre un jugement tranché à partir de telles révélations : si l’originalité de cette manœuvre est réelle, il est difficile de croire qu’un développement aussi ambitieux ait pu espérer rester entièrement secret. La complexité technique de l’opération (domiciliation de serveurs, création d’entreprises légales, mise au point de flux financiers réels, viabilité économique d’une entreprise de communication dans un contexte cubain très spécifique et onéreux, aspects de ressources humaines, liens avec les plus hautes autorités gouvernementales etc.) et le degré de sensibilité des enjeux traités sont autant de paramètres pouvant fragiliser la couverture et l’anonymisation d’une telle mission. Selon l’AP, les tentatives de Cuba de pénétrer les serveurs de ZunZuneo furent relativement timides, ce qui conforta l’analyse de la viabilité de l’opération, compte tenu notamment de la difficulté pour le gouvernement Castro de fermer un service populaire. L’histoire, telle que relayée par l’AP montre clairement comment les instigateurs de l’opération ont constamment dû manœuvrer pour s’adapter à la popularité croissante et imprévue du système sans pourtant trop grossir et pour continuer à garantir le secret de l’opération. Au milieu de l’année 2012, le réseau se mit à ne plus fonctionner correctement avant de disparaitre entièrement, ne laissant qu’un message sur le compte Facebook du réseau social, en mauvais espagnol, indiquant que l’équipe de ZunZuneo faisait face à des problèmes techniques et travaillait à y répondre. La fin de ZunZuneo et les raisons réelles de sa disparition sont à son image : troubles.

Difficile aujourd’hui de croire que l’émergence naturelle de mouvements sociaux puisse être théorisée au point de la croire reproductible et organisable. Si une telle initiative était mise à jour et reliée à une entreprise, les conséquences en termes d’image seraient pire que les bénéfices communicationnels. Les conséquences de la mise en place de ZunZuneo et de la découverte de ses véritables instigateurs sont difficiles à mesurer. Si certains éléments de l’approche retenue sont cohérents et en phase avec les campagnes d'opinion promouvant la communication des entreprises, comme l’adaptation des messages aux cibles et la création de contenus d’intérêt afin de susciter l’adhésion, les modalités d’application de l’opération rendaient l’ensemble difficilement tenable en cas de grands succès. Quelles sont les véritables causes de l’échec de ZunZuneo ? Combien de temps ce media aurait-il pu poursuivre ses activités ? Avec quels résultats ? Evidemment, le cas cubain est très spécifique car les notions de confiance et de transparence habituellement discutées ne pouvaient pas être intégrées dans l’opération. Quoi qu’il en soit, les objectifs poursuivis rappellent les questions plus habituelles de la communication corporate : comment véhiculer les valeurs de l’entreprise ? Comment les installer durablement au sein des populations cibles ? Comment fédérer autour des enjeux qui sont au cœur de l’activité d’une entité économique ? En l’occurrence, ZunZuneo n’avait qu’une seule option : la manipulation des masses via le plus grand secret, élément aujourd’hui périlleux et probablement intenable à long terme.

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