Henri Konan Bédié, ancien président ivoirien, à Paris en 2009
Qu'on l'appelle (insolemment) "Konan le barbant" ou (plus tendrement) "Nzueba", le "Buddha de Daoukro" Henri Konan Bédié, dauphin et putatif fils du vieux grigou Houphouët-Boigny, est manifestement perturbé, pour ne pas dire déstabilisé ou moralement atteint par la situation dans laquelle sa faiblesse politique a contribué à conduire la Côte d'Ivoire.
Ancien président, déposé le jour de Noël en 1999 par feu le général Gueï, et quelques commanditaires et hommes de mains qu'on retrouvera dans l'ombre de Ouattara, Bédié fut longtemps l'ennemi juré de ce même Ouattara contre qui il popularisera la fameuse ivoirité et infléchira la constitution ivoirienne (c'est Gbagbo, au fort de sa "dictature" en 2005 qui permettra à ADO d'être éligible)... Avant, sur consigne de Paris, de s'allier à cet adversaire de toujours, en vue de battre Laurent Gbagbo lors des présidentielles. On comprend qu'un chapeau ainsi avalé et ravalé ait pu laisser l'ancien président quelque peu hagard et l'estomac lourd. Mais à ce point...
Il y a déjà quelques semaines, un jeune responsable socialiste sénégalais, Malick Noël Seck, est jeté en prison pour "outrage à magistrat" et "menace de mort". Son crime : avoir porté au président du Conseil constitutionnel sénégalais une lettre de doléance lui demandant de ne pas laisser, anticonstitutionnellement, le président Wade se présenter une troisième fois à la présidentielle de février 2012. Au terme d'un procès ridicule (il n'y a évidemment ni magistrat outragé ni menace de mort dans la lettre de doléance), Malick Noël Seck a écopé de deux ans ferme, puis, après appel, un an de prison, dont quatre mois ferme (pour pouvoir justifier de sa détention provisoire ?). Il devrait donc sortir le 12 février prochain.
Durant sa détention, on a décidé unilatéralement et arbitrairement de le déporter à Tambacunda, à plusieurs centaines de kilomètres de Dakar. Loin des siens. Parmi les proches de sa famille, un homme, dont nous tairons ici l'identité, ancien diplomate et homme politique sénégalais de premier plan, a décidé, face à cette injustice, d'essayer d'agir : il a appelé son vieil ami Henri Konan Bédié. Bien que son parti fut privé de Primature (malgré les accords, ultime humiliation imposée par ADO et son RDR au PDCI de son vieil ennemi), on suppose que le président Bédié a sinon quelque influence sur Ouattara, au moins la possibilité de lui parler... L'ami des Seck compose donc le numéro de Nzueba, espérant que celui-ci intercède auprès de Ouattara, afin qu'ensuite celui-ci joigne Wade et essaie de l'attendrir... Diplomatie à trois bandes oldschool. À peine avait-il prononcé au creux de l'oreille de Bédié le nom du jeune Sénégalais que celui-ci entra dans une colère incroyable ! Inimaginable et impensable pour son vieil ami... Comment ! On ose venir auprès de lui plaider la cause de ce Malick Noël Seck qui "a soutenu Gbagbo" !!! De rage, Nzueba a raccroché au nez de son vieil ami. Qui depuis cherche à comprendre quelle mouche a bien pu piquer son ami de plus de quarante ans...
Photo - dr Texte - L.F.