Editorial du Monde (11/05/13) : "La réponse de François Hollande a été laconique, vendredi 10 mai, sur le perron de l'Elysée. Faut-il s'inquiéter de la vague d'arrestations d'opposants et de journalistes qui s'abat sur le Tchad depuis la découverte d'un présumé complot ourdi contre le président Idriss Déby ? "Les principes que nous posons doivent être respectés, y compris au Tchad." Quels sont ces principes que le président français ne juge pas utile de citer ? Ils s'appellent liberté de la presse et respect de l'Etat de droit. Tous deux sont bafoués au Tchad. Ne fallait-il pas le rappeler ?" Bigre, comme ils y vont au quotidien de révérence !
Il était urgent qu'Hollande réagisse, lui l'incontestable grand perdant de la croisade yankee au Mali et du face à face avec les vieux briscards françafricains (sans parler du catastrophique impact de l'opération anti Union africaine en RCA). Appliquant la même politique que son géant prédécesseur, il encourait les mêmes sanctions : impopularité à l'intérieur et ridicule à l'international. On se rappelle de Sarkozy remuant du croupion pendant que Poutine le fessait durant la crise géorgienne, avant d'aller calmer le "dissident" qu'il avait lui-même envoyé au feu. On se rappelle de Sarkozy, se hâtant de recevoir feu le Mollah Omar Bongo, à peine installé à l'Élysée, pour bien montrer sa volonté de rupture avec le passé de la république des mallettes dont parlait Pierre Péan. On se rappelle enfin de Sarkozy enfumé par Déby-Le-Mental dans la sombre histoire de l'Arche de zoé.
On se souviendra d'Hollande le supplétif d'Obama au Mali, parti chasser des djihadistes qui lorsqu'ils ne sont pas sponsorisés par le partenaire sarko-hollando-compatible qatari, semblent percevoir le RSA en plein Sahel, si l'on en croit les formulaires du Pôle emploi gaulois qu'on retrouve près des dépouilles de certains... On se souviendra d'Hollande, comme le lâche qu'il est, humiliant pour rien l'ectoplasme Kabila à Kinshasa, adoptant une attitude de cocotte de salon qui valait bien en discrédit de l'esprit français les sornettes du pion Gaino dans la bouche de la moitié de Carla Bruni à Dakar, incapable qu'il est de dire deux mots à Ouattara (pourtant détenteur d'un otage français, Michel Gbagbo et responsable de l'assassinat d'un autre, Philippe Rémond, le 30 mars 2011 à Yamoussoukro). On se souviendra d'Hollande roulé dans la farine par Idriss Déby ! Considérable exploit dont nous pension Sarkozy seul capable.
S'appuyant sur le Tchad et ses troupes pour défendre les intérêts américains dans la sous-région et en particulier au Mali (après la RCA), Hollande le passe-plat se retrouve cocu comme cochon lorsque Déby dépasse les bornes. Semblable à sa marionnette des Guignols de l'info, on l'entend déjà sourire idiotement... hé, hé, hé...
Dans la grande tradition françafricaine, Idriss déby-de-boisson, qui a encore dangereusement enflé du visage et qui n'est jamais là que depuis vingt-trois ans (on a déposé Gbagbo pour deux fois moins), de temps en temps, s'invente un complot, s'ourdit contre lui-même une petite machination politique. Ce qui lui permet de rafler ensuite tous azimuths et, généralement, de faire disparaître de la circulation celui ou ceux qui le gênent vraiment parmi une poignée d'arrêtés finalement élargis.
Quelle fut la réaction française, lorsque le jour de la Fête du travail le notoire fainéant Déby se prétendit victime d'une tentative de coup d'État ? "Le Quai d'Orsay se limitait à prendre "note avec préoccupation des dernières informations en provenance de N'Djamena" et appelait "le pouvoir et l'opposition à poursuivre un dialogue serein". Une perle diplomatique presque aussi splendide que celle d'un cancre au bac. Un blanc seing foccartien en diable. Continue Idriss, cogne, pardon, dialogue avec ton opposition !
Même le quotidien de révérence - incapable d'évoquer, malgré l'évidence du parallèle historique, le nom du grand assassiné, IBNI Oumar Mahamat Saleh, prétendue victime collatérale d'une autre tentive de déstabilisation, en février 2008 - l'admet : "Ce dialogue n'existe plus depuis longtemps. Les arrestations arbitraires, elles, se multiplient. (...) Des combats auraient provoqué la mort de trois à huit personnes ainsi que blessé une quinzaine d'autres. Le conditionnel est de mise faute d'éléments fournis par la police, la justice ou le gouvernement tchadiens. Le pouvoir d'Idriss Déby a procédé à l'arrestation d'au moins une vingtaine de personnes, dont deux députés d'opposition et deux généraux. Deux autres élus sont recherchés. Dans d'autres affaires, des critiques de l'homme fort tchadien, des journalistes, des blogueurs, des syndicalistes sont emprisonnés, poursuivis, expulsés."
Peut-être que si au lieu de le dire nous-même, nous les citons, l'impact sera plus fort...
"Ainsi va le Tchad, dont le Quai d'Orsay préfère saluer "le rôle stabilisateur dans la région, en s'impliquant dans la lutte contre l'insécurité au Sahel et dans le règlement des crises, notamment en République centrafricaine". A Idriss Déby, la France reconnaissante ?" La France très obligée plutôt, non ?
Ultime et, avouons-le, tout à fait savoureuse pirouette hollandaise : "La présidence française envisage d'inviter des soldats tchadiens à défiler sur les Champs-Elysées, le 14 juillet."
Photo - L'Élysée Texte - J.O.
PS : aux éditions du Gri-Gri
En vente chez Présence africaine, 25, rue des écoles, 75 005, Paris
PS 2 : La préface de Théophile Kouamouo lue par Grégory Protche
PS 3 : Reportage sur le 5ème anniversaire de la disparition d'IBNI Oumar Mahamat Saleh, à Aubervilliers, en février 2013.