Dans sa dernière édition, La Lettre du Continent nous informe que Patrick Ramaël, le juge d'instruction chargé de l'affaire Guy-André Kieffer, est "contraint de boucler le dossier". Pour des raisons d'abord techniques. En effet, il a été nommé en 2003 vice-président chargé de l'instruction au tribunal de grande instance de Paris. Et il ne peut pas faire plus de dix ans à son poste, comme tous les magistrats spécialisés en France.
Il doit donc partir. "Alors que le dossier piétine, le juge français devrait signer d'ici juillet une ordonnance de renvoi de cette affaire devant la justice après clôture de l'instruction." Dans la mesure où Patrick Ramaël n'a réussi à confirmer aucune des pistes qu'il avait suivies - elles tournaient toutes autour du président Gbagbo et de ses proches - et qu'il n'a procédé à aucune mise en examen, en dehors de celle de l'Ivoirien Tony Oulaï, finalement libéré, les observateurs se demandent quels suspects il sortira de son chapeau dans le cadre de son ordonnance de renvoi. En tout cas, l'absence de percée réelle pourrait conduire à un enterrement progressif de l'affaire, à travers une ordonnance de non-renvoi. Ou à la nomination d'un nouveau magistrat chargé de démêler cette sombre affaire.
Retour à une implication "plus modeste"
Il est fort probable qu'après les années de harcèlement judiciaire et médiatique d'un régime ivoirien mal en cour à Paris, l'Etat français choisisse de"banaliser" l'affaire Guy-André Kieffer et de la traiter dans le strict respect de l'accord de coopération judiciaire franco-ivoirien.
En effet, jusqu'ici, Ramaël se chargeait de mener directement des enquêtes sur le territoire ivoirien, en travaillant localement avec des officiers de police judiciaire français, et des "assistants" dont le profil pouvait être sulfureux, à l'image de celui du "professionnel du renseignement" français Jean-Yves Garnault. Mais dans la première quinzaine d'octobre 2012, il s'est vu refouler de Korhogo par le "comzone" Martin Fofié Kouakou, qui a refusé de le laisser interroger Patrice Bahi, ancien responsable de la sécurité du président Gbagbo. Une obstruction manifeste qui a été fort peu médiatisée à Paris, et qui n'a pas valu à Alassane Ouattara la moindre volée de bois vert de la part des "soutiens" de Guy-André Kieffer.
Manifestement, le juge Ramaël a accepté de ne plus enquêter directement, et même de ne pas assister sans parler aux auditions des suspects - comme l'accord de coopération l'y autorise. Ramaël s'est également résigné à ne plus user et abuser de la "technique du mégaphone" et de
sa tendance naturelle à communiquer abondamment sur de vraies et surtout sur de fausses avancées de son dossier.
Selon La Lettre du Continent, il s'est "discrètement rendu en Côte d'Ivoire durant la première
quinzaine de mars" et "a notamment épluché plusieurs audiences réalisées par la juge d’instruction provisoire nommée en 2012 par les autorités ivoiriennes, Geneviève Nogo Zie-Kuibert". À Paris, la tendance sera sans doute à la mise en retrait sur cette affaire, au sujet
de laquelle les ardeurs se sont notoirement éteintes après le bide de l'affaire baptisée "des experts d'Issia". Où la dépouille d'un Africain noyé dans un village du centre-ouest bété a été "transformée" momentanément en dépouille de Kieffer, avant que le "scénario" se brise
face au mur des expertises médicolégales.
Photo - dr Texte - Philippe Brou (Nouveau courrier n°778 18/04/2013
PS : la titraille est de la rédaction