Décembre 2010 - 11 avril 2011.
Laurent Gbagbo remporte le second tour de l'élection présidentielle ivoirienne. Son adversaire, Alassane Ouattara, battu malgré moult tricheries (naturalisations de masse, falsifications des listes et des registres électoraux, bourrages d'urnes), suivies de violences, de viols et de crimes, ne reconnaît pas sa défaite. Il s'enferme dans son bunker de l'Hôtel du Golf. Entouré des rebelles en armes qui ensanglantent la Côte d'Ivoire depuis la première tentative de coup d'État en septembre 2002, de journalistes, de diplomates, de barbouzes et de soldats occidentaux qui eux aussi refusent de reconnaître la victoire de Gbagbo. La crise ne tarde pas à démarrer. Gbagbo propose de recompter les suffrages : le Secrétaire général de l'ONU, M.Ban Ki Moon, considère que ce serait une injustice. Nicolas Sarkozy "ordonne" au président Gbagbo de quitter le pouvoir. La marionnette Ouattara nomme un gouvernement fantôme à l'usage exclusif de ses souteneurs. (On y aura aussi recours en Libye et en Syrie avec les djihadistes financés par le Qatar). À ces véritables gouvernements de l'extérieur, on peut ainsi remettre les clés et signatures du pays à l'international. Des sanctions économiques, financières, bancaires sont décrétées. Les avoirs gelés. Les ressources du pays détournées. L'envoi de médicaments stoppé. L'asphyxie de la Côte d'Ivoire est clairement le projet. Monter une population privée de médicaments et de liquidités contre un homme à qui restent fidèles l'armée, les corps constitués et les administrations. La France pèse de tout son poids auprès de l'ONU, de l'Union européenne et des instances africaines pour pousser Gbagbo à abandonner le pouvoir. Après avoir introduit secrètement des hommes avant même le début de la crise, et avoir fait voter une résolution spécieuse à l'ONU, fin mars 2011 la France intervient militairement officiellement par des bombardements quotidiens et meurtriers contre la seule résidence présidentielle où se tient Laurent Gbagbo, entouré de ses proches (on parle de plusieurs milliers de morts directement imputables à Ouattara et donc à ses alliés, à l'issue de ces bombardements). Même si médias dominants et politiques continuent de systématiquement omettre la Côte d'Ivoire dans la liste des croisades et actions militaires françaises. (Voir ICI l'ancien ministre de la Défense français, Gérard Longuet, se vantant pourtant d'avoir pu faire le boulot en Côte d'Ivoire avec moins de mille hommes).
Parmi les fictifs "ministres" nommés par Ouattara, celui de l'Économie a assurément eu un rôle prépondérant dans les manoeuvres voués à isoler, ruiner et affaiblir la Côte d'Ivoire indépendante de Laurent Gbagbo : il s'appelle Charles Diby Koffi. Vieux cheval de retour, Diby Koffi a déjà appartenu à plusieurs gouvernements ivoiriens, dont le dernier dirigé par Guillaume Soro, juste avant la présidentielle. Ce qui explique que Ouattara les ait mécaniquement reconduits tous deux au moment de dresser son gouvernement fêlon.
Pensant avoir fait composer par ses services le numéro de "Monsieur le ministre Diby", son homologue à la République de l'Hôtel du Golf, la future directrice du FMI appelle en fait sans le savoir le (véritable) ministère de l'Économie ivoirien. (Et plus précisément même, en son sein le ministère du Budget). Celui où officient deux hommes nommés par Gilbert Aké N'Gbo, le dernier Premier ministre légal de Côte d'Ivoire, nommé lui peu après l'élection par Laurent Gbagbo : Désiré Dallo et Justin Koné Katinan. C'est à ce dernier, nommé entretemps Porte-parole par Laurent Gbagbo depuis sa prison, qu'on doit le récit, mis en ligne fin mai dernier, de l'épisode suivant à notre confrère Théophile Kouamouo (dans le cadre du projet Côte d'Ivoire Voices, de Nicoletta Fagiolo). En voici un extrait.
- J’ai vu la Françafrique de mes yeux ! (…) J’ai vu comment nos systèmes financiers restent totalement sous domination de la France, dans l’intérêt exclusif de la France. J’ai vu qu’un seul fonctionnaire en France peut bloquer tout un pays. (…) J’ai vu la Françafrique le jour où Christine Lagarde m’appelle au téléphone.
- Allo, Monsieur le ministre Diby ?
- C’est de la part de qui ?
- Ici, le ministre Christine Lagarde.
- Mais ce n’est pas le bureau de Diby. Diby n’est plus ministre.
- Oui, c’était pour lui donner QUELQUES INSTRUCTIONS.
- Vous voulez donner des INSTRUCTIONS au ministre Diby ?
- Oui, nous avons quelque chose à nous dire.
- Monsieur le ministre Diby n’est plus ministre de l’Economie et des Finances. (…) Le ministre de l’Economie et des Finances s’appelle Désiré Dallo. Là vous êtes dans le bureau du ministre chargé du budget. Il s’appelle Koné Katinan. Le ministre Diby n’est plus ministre. Si c’est personnel, vous pouvez l’appeler sur son portable pour lui donner des instructions.
Photo - dr Texte - G.P.
PS : Lire ICI l'article de Théophile Kouamouo dans son intégralité.
PS 2 : l'intégralité de l'entretien entre Justin Koné Katinan et Théophile Kouamouo.
À 26mn et 15s, récit par Koné Katinan du coup de fil de Christine Lagarde