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Le Gri-Gri International

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Noé s'échoue comme le PSG de Laurent Blanc / Jérôme Reijasse 7 Jours loin du monde

Publié par Gri-Gri International Jérôme Reijasse dr sur 9 Avril 2014, 18:00pm

Catégories : #Jérôme Reijasse 7 jours loin du monde

Noah-Reijasse.jpg

Laurent Blanc a échoué. Ses hommes ont échoué. Ils pouvaient devenir des Dieux. Ils ont préféré rester sur terre, avec nous. Je ne peux leur en vouloir. J'envoie ce mail à Grégory Protche : “Étrange ce croisement de fer et de douceur en ce matin ensoleillé. Perdre en quart, être triste un peu et penser ensuite à tous les agitateurs de drapeaux gratuits au Parc et être satisfait: ils commencent à connaître la douleur.” Mon fils a mal aux dents. Je le serre fort, lui dit que sa souffrance va bientôt s'endormir. Partir ailleurs, torturer un autre petit garçon. Il me regarde, derrière ses larmes. Je l'aime. 

Un lendemain de défaite, avant, quand j'existais encore, je ne sortais pas. Je ruminais au coeur de l'ombre. Ça, c'était quand les défaites étaient mes défaites. Là, je décide d'aller au cinéma. Un film est sorti aujourd'hui, un film que je tenais absolument à voir. Noé. L'histoire du barbu navigateur, de la punition divine aquatique, des animaux sauvés et des hommes noyés. Quelque chose qui me fascine depuis toujours. La grande lessive. Le tri définitif. Reset.

Derrière la caméra, Darren Aronofsky. De lui, j'avais surtout aimé Requiem For A DreamBlack Swan aussi, mais pas autant.

Noé, qui a si souvent éclairé mon enfance. Son arche, dernier refuge, était pour moi une véritable promesse de futur. Mille fois, je m'étais imaginé à la barre, au creux de ces vagues tombées des Cieux. Onze euros, mon siège, obscurité qui tombe, ça commence. Je suis tout excité, moi, l'aigri.

D'entrée, je sais que je ne vais pas aimer. L'écran ne montre d'abord rien, il se contente de cracher des phrases. Serait-ce de la littérature ? Me serais-je trompé d'endroit ? Non. Darren écrit avant de filmer. Le cinéma, c'est dire avec des images, avant tout. Animer un tableau. Seul Sacha Guitry pouvait tout se permettre, écrire avant, pendant, après. Les génies n'ont pas à respecter les règles. Et Star Wars me direz-vous ? Mouais. Sauf que là, on ne parle pas d'un grand singe hystérique, d'un gothique casqué et aphone et d'un frère qui a envie de se taper sa soeur mais d'un mythe fondateur, de Dieu qui frappe pour ressusciter le jardin d'Eden. Pas la même. La première heure (la chose  dure tout de même 2 plombes 18 !!!), ça passe. On navigue entre Conan, Le Seigneur des Anneaux, l'Histoire Sans Fin et n'importe quel blockbuster guerrier et sauvage. Oui, ça passe. Il y a des anges de pierre, des fleurs qui poussent en une seconde, des hommes qui meurent le corps percé d'acier, un vieux sage montagnard. Vient ensuite la séquence de l'arrivée des animaux (deux représentants de chaque espèce pour ceux qui n'auraient jamais ouvert un livre sacré). C'est laid, terriblement laid et ça n'existe à l'écran que quelques minutes. Moi le collectionneur de films avec raz de marée (Deep Impact reste la plus grande vague jamais offerte aux spectateurs à ce jour), je me dis que Darren va se rattraper sur le déluge. Mon plombier aurait mieux fait.

En vingt secondes, la terre est une vaste piscine sans espoir et voilà ! Mal au dos, aux jambes, je jubile pourtant. La farce est bientôt terminée. La colombe va leur annoncer qu'elle a trouvé la terre promise et clap de fin. Mais non ! Darren en fait des tonnes, joue les prolongations, il gave son manichéisme troupier de nouveaux dialogues indigents, où les acteurs (Crowe, Connelly, d'habitude plutôt valables) braillent leur tristesse et leurs doutes comme s'il n'y avait pas de témoins. Embarrassant. La fin est heureuse, débordante d'espoir et je ne peux m'empêcher d'éclater de rire à la toute dernière réplique. Ma voisine me dévisage et je ris de plus belle. Elle part précipitamment. Peut-être lui ai-je gâché son plaisir. Bien fait. Le goût est une arme. Darren a déclaré : “J'ai voulu réinventer le film biblique”. Il est drôle. Mais moins que Jean Yanne.

J'imagine que les admirateurs du cinéaste américain vont lui trouver des excuses, jouer la carte de la  religion enfin appliquée comme il faut à Hollywood. Je ne retiendrais que la morale à deux balles de cette fable écolo toute conne, qui gangrène le film, en permanence, comme une sorte de prière rayée, idiote, puérile : homme méchant pas gentil a détruit sa propre planète + animaux sauvages et libres et victimes de l'homme méchant cité plus tôt = vengeance.

Nananère.

En rentrant dans mon bunker, énervé, déçu, je trouve dans ma boîte aux lettres un livre de Patrick Besson que j'avais commandé la semaine dernière, pour un euro et cinquante centimes. Le Congrès de Tours n'aura pas lieu”. Je lis les premières lignes. Je suis déjà dedans, loin, ailleurs. Qu'UGC, l'Amérique ou Darren me remboursent la différence de dix euros, et que ça saute !

Dieu n'a pas mérité ça. En anglais, Noé se dit Noah. Jeu, set et match.

Photo - dr   Texte - Jérôme Reijasse 

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