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Le Gri-Gri International

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Le texte de l'intervention de Laurent Gbagbo devant la CPI

Publié par Laurent Gbagbo www.legrigriinternational.com sur 6 Décembre 2011, 09:00am

Catégories : #Côte d'Ivoire - Élections 2010

cap Gbagbo cpi 5 12 2011

"Madame, les conditions de ma détention à la Cour, ici, à la Cour... à La Haye, sont correctes. Ce sont des conditions normales de détention d'un être humain. Voilà. Mais c’est mes conditions d'arrestation qui le sont moins.

"J'ai été arrêté le 11 avril 2011 sous les bombes françaises. Président de la République... La résidence du président de la République a été bombardée du 31 mars au 11 avril, et c’est dans ces décombres‐là, le 11 avril, pendant qu'on me bombardait, qu'on bombardait la résidence qui était déjà à terre — nous, on se cachait dans les trous de la résidence —, et une cinquantaine de chars français encerclaient la résidence pendant que les hélicoptères bombardaient. C’est dans ces conditions-là que j'ai été arrêté.

"J'ai vu devant moi mourir mon ministre de l’Intérieur — Tagro. J'ai vu mon fils aîné, qui est encore détenu en Côte d'Ivoire... Je ne sais d'ailleurs pas pourquoi on l'a arrêté. C’est peut‐être parce qu'il est mon fils. Je l'ai vu battu. J'ai vu mon médecin personnel qui était avec moi, le Dr Blé qui est encore à Korhogo ; je l'ai vu battu et j'ai cru même qu'il allait mourir mais, Dieu merci, il n'est pas mort. Mais Tagro a eu moins de chance — le ministre de l’Intérieur. C’est dans ces conditions que ça s'est fait. Bon, je ne vais pas continuer parce qu'on n'est pas dans le procès mais je veux dire : les conditions de l'arrestation sont celles‐là. C’est l'armée française qui a fait le travail, et elle nous a remis aux forces d'Alassane Ouattara, qui n'étaient pas encore les forces régulières de la Côte d'Ivoire, parce que les forces régulières travaillaient avec moi. On nous a donc amenés à l'hôtel du Golf, qui était le siège de campagne de M. Alassane Ouattara, le 11 avril, et le 13 l'Onuci m'a transféré... enfin, nous a transférés, moi et mon médecin personnel... nous a transférés à Korhogo, à à peu près à 600 kilomètres au nord de la Côte d'Ivoire.

"J'étais logé dans une maison. Il y avait un lit, moustiquaire, une douche. Donc, là... J'avais deux repas par jour, à ma demande, parce qu'on m'avait proposé trois. Généralement je ne mange pas trois repas par jour ; je n'en mange que deux. Donc, le problème n'était pas là, mais je ne voyais pas le soleil. Je ne savais ce qui se passe dans le ciel que quand il pleuvait sur le toit. Je ne voyais pas le soleil. Les quelques rares fois où j'ai vu le soleil, que... quand que mes avocats... sont venus... ils sont venus avec des difficultés. Alors, même Me Altit est allé jusqu'à Korhogo. Il a fait deux jours. On l'a empêché de me rencontrer. Et ça a été tout le temps, comme ça, une bataille entre les avocats et mes geôliers pour que je puisse avoir... Alors, ce n'est pas... Je pense que, ça, ce n'était pas correct. Bon, là aussi, je vais m'arrêter parce que ce n'est pas une séance pour apitoyer les gens ; j'essaie de décrire ce qu'il y a à dire. L'enfermement, sans pouvoir marcher, sans pouvoir voir le ciel, sans pouvoir sortir a fait que j'ai eu des nouvelles pathologies en plus de celles que j'avais déjà. Et je ne suis plus un jeune, comme vous le voyez, Madame. Je ne suis plus un jeune de 20 ans ni de 30 ans ; j'ai aujourd'hui 66 ans. Donc, aujourd'hui j'ai mal à l'épaule, j'ai mal à... à tous les poignets. Ici même, quand je suis arrivé, heureusement on m'a fait des radios, on me donne des médicaments. Donc, voilà ce que je souhaitais dire.

"Sur mon transfert à La Haye, Madame, je suis toujours surpris par certains comportements. Si on me dit « Gbagbo, tu vas aller à La Haye », je vais, je monte dans l'avion et je viens à La Haye. Mais là encore on nous a trompés. On m'a appelé, on me dit que je vais rencontrer un magistrat à Korhogo dans le cadre de je ne sais plus quelle affaire. On a attiré mes avocats là‐bas, et, pendant qu'on discutait, le juge d'application des peines est arrivé avec un papier, que je n'ai d'ailleurs pas lu : « Voilà le mandat d'arrêt ». Donc, immédiatement, il faut qu'on fasse une séance. Ils ont improvisé là, alors que mes avocats n'étaient pas préparés à ça, alors que moi‐même je n'étais pas préparé à ça. Ils ont improvisé, là, une séance de jugement pour que la Cour donne son autorisation à mon enfermement.

"Madame, je ne regrette pas d'être là ; je suis là. On va aller jusqu'au bout. Mais je veux dire qu'on peut faire les choses de façon plus... plus normale. On n'a pas besoin de se cacher... J'ai dirigé ce pays pendant 10 ans ; je n'ai pas fait ça. Je n'ai pas fait ça.

"Et quand cette séance... "volée" s'est achevée, mon geôlier m'a pris dans la voiture pour me ramener à mon lieu de détention. Et puis, un moment, je vois qu'on dépasse le lieu de détention. Alors, je lui dis « Mais on a dépassé l'endroit »... Il me dit : « Non, on va à l'aéroport. Parce que l'aéroport n'était plus éclairé, à partir de 18 h 30, il faut que l'avion s'envole ». J'ai dit : « Je vais où en avion ? » Il n'a même pas eu le courage de me dire : « Vous allez à LaHaye. » Il me dit : « Vous allez à Abidjan. » Alors j'ai ri, parce que j'avais compris. Et c'est comme ça je suis venu, sans rien, sauf avec mon pantalon et ma chemise — sans rien du tout. Donc, je signale cela pour que vous puissiez prendre des précautions pour que prochainement, dans d'autres pays, dans d'autre cas, cela ne se répète plus, parce que ça ne sert à rien, ça ne sert à rien. Ça fait croire qu'il y a des gens qui sont de mauvaise volonté, qui n'ont pas envie de comparaître. Si on m'accuse, c’est qu'on a des éléments de preuve pour m'accuser ; donc je comparais. Je vais voir ces éléments de preuve, je vais les conforter... les confronter à ma vérité à moi, et puis vous jugerez. Mais ce n'est pas bon qu'on essaie de jouer des tours de passe‐passe. Madame, voilà ce que je voulais vous dire sur mes conditions d'arrestation, de transport... de transfert et de vie ici. Ici, on vit normalement. Ici, je n'ai pas de problème.
Voilà, Madame. Merci.

Photo - cap écran    Texte - Laurent Gbagbo

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