Après la publication de son livre l'année dernière et la rupture sentimentale, apparemment, définitive avec le PSG du Qatar, Jérôme Reijasse s'est scandaleusement complu dans une douce dépression paresseuse. Entre sa dame et son fils. Nous avions beau lui transférer les dizaines de mails que nous recevions chaque semaine, nous accusant de ne pas le payer assez (un comble), impossible de lui faire écrire une ligne. Noël, la Saint Sylvestre, les 3 buts d'Ibrahimovic... qui saura jamais ce qui l'a convaincu de reprendre le collier ?
Chère France,
C'est à toi et seulement à toi que je désire m'adresser.
Depuis quelques jours, ils sont devenus fous.
Les anges de la liberté ne parlent que d'interdire. Ils souhaitent poursuivre, fermer, punir.
Lyncher ?
Les comiques, les artistes, les bouffons d'un roi sans couronne, semblent avoir honte, tremblent en enchaînant les interventions médiatiques pour dénoncer le pire. Porte, Guillon, Baffie, Charb, tous, ils condamnent, ils défilent, ils dénoncent. Garde à vous !
Ici, il y a des mots qui ne peuvent plus se dire. Il y en a un surtout.
On peut traiter les Arabes de voleurs (Yann Moix récemment à la télé), regretter qu'un marché de banlieue manque cruellement de citoyens blancs (Manuel Valls alors en campagne), préférer les Maghrébins saucisson à ceux barbus ou sobres (Brice Hortefeux), on peut imiter les Africains comme de grands singes aux narines proéminentes, un peu idiots et sympathiques (Michel Leeb), on peut tout à condition d'être drôle, c'est bien ça ?
Non.
On peut tout si on ne touche qu'aux basanés, qu'aux bougnoules, qu'aux catholiques, qu'aux hétérosexuels.
Vous dîtes juif et ça y est, les trompettes du scandale hurlent leur mélodie débilitante. Juif, juif, juif, juif, juif, juif, juif, juif, juif, juif. Combien de fois faudra-t-il le dire, l'écrire pour que l'on passe enfin à autre chose ? Parce qu'évidemment, les victimes de la Shoah, elles, préfèrent le silence des abysses aux indignations ridicules. Elles n'ont pas choisi le sionisme, ni la drôle de politique pratiquée du côté des territoires occupés. Non, elles ne sont plus et je suis persuadé que si elles devaient revenir d'entre les morts, elles ne riraient pas forcément à toutes les blagues de Dieudonné mais auraient surtout honte, honte de tous ces ambassadeurs dégueulasses qui piétinent leur éternité, qui en ont fait un commerce, un drapeau sale, à ne jamais suivre.
Ma France, ma chère France, te souviens-tu quand, enfant, je pleurais en apprenant les horreurs de la guerre ? Quand, à huit ans, je découvrais cette photo de ce gamin terrifié, les bras levés devant un soldat allemand narquois, au coeur du ghetto de Varsovie et que je ne comprenais pas. Et que je ne comprends toujours pas. J'ai appris à lire dans une chambre à gaz et depuis, mes yeux ne se ferment plus. Alors, il n'y avait pas encore d'avocats malsains, d'associations suspectes, de résistants qui ne risquent rien. Il y avait simplement ceux qui avaient vécu la guerre et les autres. Il y avait ce vide, ce gouffre où tous les mots tombaient sans jamais résonner.
Aujourd'hui, et l'affaire Dieudonné n'en est qu'un indice, une confirmation, il s'agit non pas de respecter le martyr, d'empêcher le retour de la bête immonde mais bel et bien d'imposer une vision du monde, de maintenir à vif une plaie ignoble pour se donner encore le droit d'écraser en toute impunité.
Dieudonné se moque beaucoup des Juifs, c'est un fait. Il dit, en kimono, qu'il n'a pas le temps d'être antisémite (quand il imite d'ailleurs à la perfection les Noirs africains, Monsieur Valls ne lui tombe pas dessus). Que ceux qui ricanent soient exécutés sans attendre. Mais par qui ?
Admettons, ma chère France, que ces militants antiracistes aient enfin le droit de flinguer tout ce qui ne pense pas comme il faudrait. On pourrait utiliser par exemple les églises pour ça, non ? Auront-ils le cran d'appuyer sur la gâchette ? Chanteront-ils au moment d'exploser la cervelle d'un Dieudonné au bord de la fosse commune ? Vivront-ils bien d'être devenus de petits soldats motivés par une idée indestructible de la justice ?
Moi, je préfère rire, même quand ça gratte, que de balancer (ces dernières semaines, d'anciens rites ont été réactivés : quand, par exemple, des pirates informatiques récupèrent les noms et adresses de ceux qui se sont adonnés à la quenelle et que des commandos de nervis passent ensuite à tabac). À la rue Lauriston, je préfère le passage de la Main d'Or. Hier, aujourd'hui, demain, toujours.
Manuel Valls, qui, à mon avis, t'aime bien moins que le pouvoir, n'a pas parlé de ces dérapages. Son envolée à peine lyrique contre Dieudonné pourrait même ressembler à un appel à la violence. Euphémisme. Il parle fort, il me fait penser au Martin Sheen du film Dead Zone. Il me fait peur.
Il ne veut pas que la France ne soit qu'une. Il braille le contraire mais il ne veut pas. Il veut diviser, il ne parle que de République mais la République de France, toi, mon amour, existe depuis longtemps, avant 1982 en tout cas, elle n'a pas eu besoin de Valls pour lutter, pour chuter et revivre encore. Dieudonné est français. Oui, Dieudonné est français. Et n'est pas aux ordres. Voilà surtout ce qui ennuie. Coluche a eu droit à son camion. Pour Dieudo, quoi ? On nous parle de fraude fiscale, d'insolvabilité provoquée sciemment, de refus de payer des amendes. Et ? S'il s'agit d'argent, qu'on embête alors d'abord tous ceux (on m'a dit qu'ils étaient nombreux) qui exigent de condamner Dieudonné et qui connaissent comme personne les rouages des paradis fiscaux. Et si Dieudonné a triché, qu'il paye, comme n'importe quel Français. Voilà.
On nous dit que Dieudonné est négationniste. Hic : je crois aux chambres à gaz comme je crois au talent comique de Dieudonné. Que faire alors ?
C'est un enfant monstre, Dieudonné. Dans le pot de confiture, lui met non seulement les doigts mais la tête, le cul, les jambes, tout. On lui dit que c'est là-bas exactement qu'il ne faut pas aller et il y va, bien sûr. On finit par le harceler, freine-t-il ? Il préfère accélérer encore.
Saint-Just, Moulin, Guitry, Choron, Edern Hallier, la France s'est aussi construite là-dessus, sur le refus d'adhérer pour simplement vivre encore. Gueuler, créer contre le vent, quoiqu'il en coûte.
QUENELLE.
Voilà ce qui ne passe pas : Dieudonné n'a plus besoin des médias, ses salles sont pleines, son public fidèle. De quoi rendre fous ceux qui pensent encore maîtriser la situation.
Ma France, je le sais, tu me le dis de plus en plus souvent, tu n'en peux plus des leçons de morale, des impôts cannibales, des gifles en boucles, celles qui t'humilient, te forcent à te taire, à courber l'échine, des hypocrisies lourdes comme les sabots d'un cheval aveugle et rendu fou par trop de vanité, de politique malade. Plus question de s'agenouiller devant ceux qui te trahissent tout en te louant. Tu n'es plus dupe.
Dieudonné est un “entrepreneur de la haine” dit Manuel Valls... Il vilipende maintenant, en direct depuis la Bretagne, les groupuscules d'extrême droite mais ne parle pas une seule fois de la LDJ... On n'en sortira jamais. C'est désespérant.
Ils parlent tous de fascisme, de nazisme, de peste brune (tiens, à l'instant sur LCI, un élu ump déclare vouloir faire interdire la quenelle (génial!!!) et termine son intervention par un sémillant “Hitler, never again!”). Comment leur faire comprendre qu'Hitler est mort et que le vrai danger désormais se nomme démocratie, quand l'argent se déguise en soupe populaire et qu'il organise des bals masqués où le peuple danse pendant qu'on brûle son destin.
Jacques Attali déclarait fièrement l'autre jour à la télé que la France était devenue un hôtel.
Voilà où nous en sommes.
Des clients et des putes.
Et Dieudonné est le Diable et Valls l'Archange.
Et si c'était finalement l'exact contraire ?
Ma France, ma chère France, ordonne et je t'obéirai.
Dansons et dansons encore. Ma France, ma chère France, nous sommes là, sans couleur ni parti.
Dansons et rions encore un peu.
Demain sent la poudre, demain appelle les larmes.
Photo - dr Texte - Jérôme Reijasse
PS : le lien pour vous procurer en ligne le livre de Jérôme Reijasse
7 jours loin du monde ICI.
PS 2 : lien vers la playlist de ses interviews, blind test, lectures et interventions médiatiques ICI.