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Le Gri-Gri International

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J'ai lu "IBNI, une vie politique assassinée au Tchad"... et je n'ai pas pleuré - Par Séri S. Zokou

Publié par Séri S. Zokou dr www.legrigriinternational.com sur 10 Juin 2013, 15:05pm

Catégories : #Ibni Labertit

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Le livre que Guy LABERTIT consacre à l’homme politique tchadien Ibni Oumar Mahamat SALEH est un témoignage criant de douleur et d’affection pour son ami enlevé un jour de février 2008. Ce récit qui relate trente-cinq ans de compagnonnage politique, fraternel et intellectuel entre deux êtres unis par le rêve de changer la vie prend sa force autant dans l’authenticité du récit que dans ce style épuré, caustique et en même temps sophistiqué que nous connaissons à l’écrivain Guy LABERTIT depuis son désormais fameux Adieu Abidjan Sur Seine.

C’est ainsi qu’IBNI qu’il a connu en fréquentant les milieux militants tchadiens de la région parisienne commence de prendre progressivement vie sous la forme d’un jeune intellectuel, doué en mathématiques, porteur d’un idéal révolutionnaire qui va le conduire dans un premier temps à opter pour la lutte armée en vue de faire accéder le Tchad à une véritable indépendance. Il faut dire que le Tchad d’alors était pris entre les fourches caudines du néo-colonialisme rampant puis avéré de la France et les ambitions impérialistes d’une Lybie alors ivre de ses pétrodollars…
Et voici qu’au fil du récit s’ouvre à nous le Tchad, ce pays si complexe qui n’aura eu de cesse de naviguer depuis l’indépendance en 1960 entre coups d’états et normalisations politiques éphémères au gré de multiples alliances et contre-alliances ethniques, militaires, politique, mais hélas si rarement soucieuses de l’intérêt général.

Où l’on se familiarise avec le maquis touffu des prétendants au pouvoir, avec ces personnages et ces lieux qui revenaient comme une antienne dans les médias des années 70-80. Grâce à son talent de passeur, Guy nous apprend à connaître et à comprendre les motivations des nombreux animateurs du capharnaüm politique tchadien dont peu réchapperont finalement : Goukouny Wedeyye, Hisseine Habré, Acheick Ibn Oumar, Abdelkader Wadal Kamougué, Acyl Amaht, Idriss deby Itno, les uns se battant contre les autres ou avec les autres, rougissant ainsi du sang des fils du Tchad et de l’Afrique les champs de bataille d’Abéché, de Ouaddaï, de Faya-Largeau, de Ndjamena ou de la Bande d’Aozou etc.

Et la France, l’inévitable France et ses éternels jeux d’influence et d’ingérence, la France et son dispositif militaire « Epervier », cette opération définitivement provisoire de sauvetage ou d’élimination de tel ou tel protagoniste politique local. Ces agents français qui furent sourds et aveugles quand Ibni était enlevé.

Voici donc IBNI qui après une tentative avortée de s’enrôler dans les maquis tchadiens achèvera sa thèse de math, embrassera une carrière d’enseignant en Algérie puis au Niger et qui après quinze années « d’exil » décide de rentrer chez lui au moment où Hissène Habré accède au pouvoir après avoir renversé son frère ennemi Goukouni Wedeyye.

Où l’on découvre qu’au départ, Habré s’attelle à ouvrir le jeu politique dans une apparente démocratisation, ce qui permet à IBNI l’universitaire reconnu mais aussi le politique devenu incontournable au Tchad d’entrer dans un gouvernement d’union. Las, la folie du pouvoir aura raison de tous les accommodements politiques et à nouveau, ce sera la guerre et son lot de disparus, dont des proches d’IBNI…

La France sortira alors de son chapeau Idriss DEBY ITNO, lui-même ancien numéro 2 de HABRE, armé depuis les confins du soudan par Paris et des parrains régionaux et qui montera victorieusement à l’assaut de Ndjamena. Habré est chassé à son tour.
IBNI qui avait pu s’enfuir est rappelé par DEBY qui a besoin de personnalités fortes, crédibles et travailleuses comme lui. IBNI qui espérait infléchir avec d’autres membres de l’opposition civile les fractures entre Nord et Sud et apporter de la technicité et de l’efficacité à ce énième gouvernement d’union…
IBNI qui en définitive rompra avec DEBY pour se profiler de plus en plus comme la seule alternative démocratique crédible dans un Tchad où l’opposition avait enfin compris la nécessité de s’unir dans un front commun. Il en était le porte-parole et pouvait espérer un jour mettre fin au règne du cruel, du pas si débile ITNO. Un DEBY ITNO qui au bout d’un règne sans partage de 20 ans verra son pouvoir vaciller à partir de 2005 sous les coups de boutoirs d’une rébellion qui parviendra jusqu’aux portes du palais présidentiel à Ndjamena en février 2008 après avoir manqué d’occire le chef de l’Etat à la terrible bataille de Massaguet… DEBY qui sera sauvé à nouveau par les forces françaises mais qui profitant de la confusion consécutive aux combats armée-rebelles enlèvera les trois principaux leaders de l’opposition ; Ibni en était évidemment. C’était un 3 février 2008. Ngarleji Yorongar et Lol Mahamat Choua, ses collègues d’opposition et d’infortune en reviendront ; Ibni, lui n’en réchappera pas.

Depuis lors, en même temps que lui, sa famille, ses partisans et Guy son ami sont plongés dans une nuit et un brouillard sans fin.

Alors, IBNI, disparu, mort, enterré, jeté aux chiens ? Qui veut connaître la vérité ? Pas les autorités françaises en tous cas, elles qui auraient tout à perdre à ce que la vérité soit sue.  Au final, même si Ibni devait hélas ne plus reparaître, Guy LABERTIT aura en tous les cas, réussi à le «continuer» en le fixant définitivement dans les cœurs, les pensées, et on peut l’espérer, les actions de ceux qui comme moi rêvent d’une Afrique digne, combative, et bientôt, libre.

Photo - dr    Texte - Seri S. ZOKOU

Bruxelles, le 30 Mai 2013

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PS 2 : Lecture d'extraits du livre, rencontre et dédicace le jeudi 6 juin à 19h

Librairie LibreÈre, 111 bd de Ménilmontant, Paris (métro Ménilmontant)

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