Je vais vous sembler dingue, mais je trouve qu'en duo avec Komandant Simi OL, Guy Labertit groove vraiment. Il conserve sa raideur de chanteur à textes et à mélodie, mais arrive à se mettre dans le beat et à y rester.
Il ne fait pas que chanter (juste) un texte plus lourd et plus dense qu'un essai politique.
Il trouve une voie pour sa voix, si je puis dire. Une étrange et hypnotique ligne de crêtes entre le son et le sens.
Autre chose qu'un comédien qui pousse la chansonnette ou une actrice qui se met au roman ou à la réalisation avec aides et soutiens.
Lui dont on pourrait penser qu'ayant tout perdu avec la chute de Gbagbo, il n'a, justement, plus rien à perdre, ose une folie : passer pour un fou.
Pour personne. Ou juste pour quelques Ivoiriens et nous.
Même ses amis, entre accablement et incompréhension, hermétiques à la poésie profonde de son acte et sourds à son improbable et génial duo avec Simi, ne savent ni quoi dire, ni quoi penser, ni même quoi simplement ressentir. Ce qui me rend triste pour eux. Tout me semble pourtant si simple.
On peut, j'imagine, ne pas aimer "Chaudes certitudes". Personne ne peut nier la musicalité réelle du morceau, la qualité du texte, l'insoupçonnable efficacité des arrangements et l'ambition du duo.
Simi Ol et Labertit font vraiment de la musique.
Donc Labertit a bien fait de le faire.
Un homme essentiellement politique. Ancien responsable Afrique du Parti socialiste. Un homme presque austère. Au soir de sa vie.
Alors qu'il pourrait avoir mille fois par jour envie de se tuer, de se faire oublier, de disparaître comme un vieil éléphant.
Non, il se lève un beau jour, entretient Simi de l'existence de quelques vieilles chansons écrites par lui, dans le temps. Avant. Avant tout.
Trouve tout à fait normal et logique que Simi n'hésite pas une seconde.
Et franchit la porte du studio.
Choisit la joie et l'art contre l'injustice et la mort.
Chapeau bas, vraiment.
Photo - capture d'écran du clip "Chaudes certitudes" Texte - Grégory Protche