LETTRE OUVERTE DU PEUPLE GABONAIS A l'attention de Mme Irina Bokova, Directrice Générale de L'UNESCO - Paris
Le Peuple Gabonais a appris, à la suite du communiqué final ayant sanctionné les travaux du conseil de Ministres du gouvernement gabonais du 10 novembre 2011, que « le Gabon va apporter une contribution exceptionnelle au fonds extrabudgétaire à hauteur de deux (2) millions de dollars Américains » à l’UNESCO, en réponse à l’appel de fonds que vous avez lancé suite à la suspension de participation financière des USA et d’Israël. En temps normal, une telle contribution à l’effort scientifique et culturel, ne poserait aucun problème mais, au regard de la paupérisation galopante dans notre pays actuellement, le Peuple Gabonais, poussé par l'instinct de survie, vient plutôt lancer un appel à votre organisme pour qu’il refuse le don de 2 millions de dollars US que voudrait lui offrir l’Etat gabonais.
En effet, le Peuple gabonais voudrait attirer votre attention sur la situation alarmante qu’il traverse depuis l’accession au pouvoir, sous des conditions très contestables, de M. Ali Bongo et souhaite vous exposer un certain nombre d’éléments prompts à justifier de son indignation face à une acceptation de ce don par l’UNESCO, acceptation qui viendrait, à coup sûr, jeter l'opprobre sur les principes défendus jusqu’ici par votre noble institution. En voici quelques-uns :
D’abord, l’on pourrait évoquer l’illégalité juridique, du moins dans la forme, des dons qui sont octroyés depuis près de deux ans par le gouvernement gabonais en ayant seulement recours aux décrets en conseil de ministres, sans s’en référer au Parlement gabonais ; ce qui constitue, en l’état, une violation de la loi de finances :
·Janvier 2010 : don de 1 million de dollars US à l’Etat d’Haïti suite au séisme subit par ce pays ;
·Mars 2011 : don de 1,06 millions de dollars US au gouvernement japonais, pour leur venir en aide suite au séisme et du tsunami ;
·Juillet 2011 : don de 2,5 millions de dollars US aux populations sinistrées de la Somalie ;
·Novembre 2011 : don de 2 millions de dollars à l’UNESCO (pour raisons évoqués ci-dessus).
Par contre les populations locales croupissent dans la misère la plus absolue, misère accentuée par le pouvoir d’Ali Bongo qui, depuis deux ans, procède aux expropriations sauvages, faisant des centaines de gabonais des sans abris.
Ces actes, qui pourraient exprimer un élan de solidarité internationale envers des peuples frères, seraient bien perçus s’ils étaient opérés dans un cadre juridique légal et s’ils provenaient d’un Etat qui se préoccupait des conditions de vie de ses populations. Or, en l’état, ces dons n’ont pour finalité que la recherche d’une assise et d’une crédibilité internationale à ce pouvoir en mal de légitimité.
Le gouvernement gabonais puise à son gré des fonds dans les caisses de l’Etat sans jamais se soucier du respect des procédures et mécanismes de gestion des finances publiques, foulant aux pieds les règles de bonne gouvernance.
Si l’UNESCO venait à accepter de tels fonds, cela équivaudrait, pour votre noble institution, à encourager les mauvaises pratiques de gouvernance devenues la norme de l'actuel gouvernement gabonais.
Il n’est pas inutile de vous rappeler que plus de la moitié des gabonais vit avec moins de 2 Dollars US / jour, dans un pays producteur de pétrole et riche en matières premières de toutes sortes. Vous comprendrez, Madame la Directrice Générale, que le Peuple gabonais ne saurait comprendre ni tolérer, en pareilles circonstances, que le gouvernement, sensé le protéger et lui donner une meilleure qualité de vie, puisse se livrer à une politique de dons tous azimuts à l’international, alors même que le minimum social est loin d'être acquis à la majeure partie des Gabonais.
À ce propos, il convient de vous préciser ici, que plusieurs textes internationaux protègent, en pareille circonstance, les droits de tout peuple. Ainsi parmi les buts et principes assignés à la Charte des Nations Unies, figure en bonne place l’obligation de : « Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde » ; de même, le Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels proclame dans son article premier que : « Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération économique internationale, fondée sur le principe de l'intérêt mutuel, et du droit international. En aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance ». Enfin, la noble institution dont vous avez la charge a également pour but « de contribuer à l’édification de la paix, à l’élimination de la pauvreté, au développement durable et au dialogue interculturel par l’éducation, les sciences, la culture, la communication et l’information ».
Toutes choses qui démontrent que l’acceptation par l’UNESCO du don fait par le Gabon, alors que son Peuple vit encore très en dessous du seuil de pauvreté, serait simplement démentir, au niveau international, tous ces principes véhiculés par le droit international.
Nous ne saurons finir notre appel sans porter à votre attention le non-respect des droits de l’Homme dont se rend coupable le gouvernement gabonais. En effet, il y a quelques temps seulement, plusieurs organisations de la société civile africaine et occidentale s’insurgeaient contre votre institution et lui manifestaient leur indignation relative au prix international UNESCO-Obiang Nguema Mbasogo pour la recherche en sciences de la vie et financé par la fondation Obiang Nguema Mbasogo à hauteur de 3 millions de dollars US. Vous avez honoré l’UNESCO en déclinant cette offre. Le Peuple gabonais s’étonne aujourd’hui que votre institution veuille accepter le don du Gabon, alors que les dirigeants actuels de ce pays ne sont pas plus respectueux des droits de l’homme que ne le sont ceux de la Guinée Equatoriale. Au contraire, dans bien des domaines comme celui du développement des infrastructures, la Guinée Equatoriale aurait des leçons à donner au Gabon. Plusieurs illustrations peuvent être apportées à la corruption et à la privation de libertés fondamentales :