Soudeur Zoulou ? Rat trempé ? Ou les deux à la fois ?
Le président musulman du Gabon se prendrait-il pour un descendant du Prophète, incaricaturable et in-moquable ? C'est en tout cas l'impression que laisse la énième suspension d'un journal gabonais, Ezombolo, pour "outrage récidiviste au chef de l'Etat".
Le 21 mai 2010, le Conseil national de la communication (CNC) - qu'on appelle aussi le "Conseil national de la Censure" - a - unilatéralement, faut-il le préciser ? - décidé de (re)suspendre pour six mois la publication du journal Ezombolo pour "outrage récidiviste au chef de l'Etat". Oh la vilaine maladie ! Pour Reporters sans frontière (RSF) : "Suspendu pour la troisième fois en moins de cinq ans, le journal subit un réel préjudice, le directeur de publication devant personnellement assurer le paiement des loyers et des installations et renvoyer temporairement ses journalistes". Cette suspension fait suite à la publication d'un article contenant des "propos outranciers" à l'encontre du chef de l'Etat, Ali « Baba » Bongo, alias Petit Mollah Ali, Ali9, Tsun'Ali, le Voyageur, le Néopropriétaire foncier... l'homme à qui, dit-on, des Corses véreux offriraient voitures de luxe et cadeaux divers...
Peuvent-ils, ces propos, ontologiquement, moralement et intellectuellement être plus "outranciers" que ceux du fils d'Omar lorsqu'il se prend pour un président légitime ? La question n'est pas belle, mais elle se pose. Dans l'incriminé article, "Ali ne fait que voyager alors que le pays sombre", il est question du coût exorbitant des voyages présidentiels. Et révèle ce secret de polichinelle : Ali a beau essayer d’être coquet, toujours coiffé comme un crooner des années 30, il n'est pas Denzel Washington pour autant. Et il devrait être le premier à le savoir. Alors, écrire qu’il "avait les cheveux frisés comme un rat trempé dans l'eau, une paire de pare-brise aux yeux lui donnant l'allure d'un soudeur zoulou", n’a rien d’un scoop. Ezombolo avait plus à craindre d’une réaction des « soudeurs Zoulous », mécontents d’une comparaison abusive avec Ali le Baba pas cool.
Excédé par tant d’acharnement, Jean de Dieu Ndoutoum-Eyi, directeur de publication du journal, fait savoir qu'il n'exercerait pas, cette fois-ci, son droit de recours gracieux auprès du Conseil national de la communication : "La dernière fois je l'ai fait, je n'ai jamais obtenu de réponse. Je ne me décourage pas, je prends simplement mes responsabilités. Je reprendrai mes activités journalistiques à la fin de la mesure de suspension". En attendant, Ali continue à jouer avec ses voitures et ses avions. Pour le plus grand bonheur des Gabonais !
Texte - Louis Fall Photo - www.legrigriinternational.com