PS : initialement mis en ligne le 14 décembre 2010.
Quelques jours après l'investiture du dernier préisdent ivoirien démocratiquement élu, Laurent Gbagbo. Et alors que les ingérentes menaces françaises commençaient de se préciser.
Mediapart a mis en ligne le 13 décembre dernier, sous le titre "Je ne suis pas un partisan aveugle de Gbagbo, mais...", dans la section des "Invités de Mediapart" un "témoignage" sur les derniers évènements de Côte d'Ivoire, émanant de Michel Lambret. Témoignage qui fait suite à une série de révélations dues à l'organe d'Edwy Plenel, à propos des rôles, responsabilités et culpabilités françaises (MAM est dans le viseur) dans les tristes épisodes de Bouaké et, partant, dans les tirs sur la foule abidjanaise en 2004... En voici quelques extraits.
"Je ne suis pas un partisan aveugle de Laurent Gbagbo. J'ai vécu plusieurs années en Côte d'Ivoire à partir de 1988, j'y retourne régulièrement depuis pour des séjours plus ou moins longs, de deux ou trois mois à une année entière parfois. (...) Après avoir regardé jeudi soir le premier volet de l'enquête consacrée à cinquante ans de Françafrique, sur France 2, je reste stupéfait ! Stupéfait que le parallèle qui existe entre ce qui s'est déroulé par le passé dans d'autres pays africains et ce qui se déroule depuis 2002 en Côte d'Ivoire ne saute pas aux yeux des commentateurs et journalistes qui connaissent parfaitement ce jeu trouble que la France joue depuis 1960 sur ce continent.
"Je suis persuadé de deux choses. La première est que si Mr Ouattara accède au pouvoir en Côte d'Ivoire, il n'apportera pas le bonheur et la paix tant attendue, il n'améliorera pas la condition des citoyens ivoiriens et encore moins celle des habitants du nord du pays (ses plus fervents partisans). Le nord de la Côte d'Ivoire n'a aucun potentiel économique. La seule priorité économique qui concerne le nord de la CI est l'amélioration des voies de communications vers les pays voisins (Burkina Faso et Mali au premier chef et ensuite un axe vers la Guinée).
"La seconde est que dans quelques années, d'autres journalistes nous raconteront comment l'Elysée a tenté de renverser Laurent Gbagbo en septembre 2002 et comment après l'échec de cette tentative il a créé une situation de partition de fait du pays qui aurait du amener à un effondrement économique de la Côte d'Ivoire et à une chute du régime. (...) Le 19 septembre 2002 éclate la tentative de coup d'état, des combats ont lieu dans de nombreuses localités du pays et à Abidjan. Laurent Gbagbo se trouve à Rome, il fait appel à la France et demande que soient activés les accords de défense qui lient la Côte d'Ivoire et la France. L'Elysée refuse, arguant qu'il s'agit d'une affaire ivoiro-ivoirienne et propose à Gbagbo un asile doré en France. Contre toute attente Gbagbo regagne immédiatement Abidjan, il y est accueilli dès sa descente d'avion par de très nombreux habitants d'Abidjan et aussi par des militaires et des policiers fidèles. (...) Ce n'est que plusieurs jours plus tard, alors que les rebelles ont échoué dans la prise de contrôle d'Abidjan et qu'ils se replient vers le nord du pays que la France interviendra au motif d'éviter des massacres inutiles, créant ainsi une ligne de front et aussi les conditions de la partition de fait du pays.(...) Comme d'autres observateurs, je ne peux m'empêcher de penser que le déclenchement de la tentative de coup d'état en Côte d'Ivoire moins de 5 mois après la réélection de Chirac n'est pas fortuite. Peut-être va on tenter de nous faire croire qu'il n'y a plus de cellule africaine à l'Elysée et que, sous le règne de Sarkozy, les relations de la France avec ses anciennes colonies devenues des pays indépendants sont enfin normalisées. (...) La Françafrique existe toujours, elle ne poursuit plus l'unique but de l'indépendance énergétique de la France. Quels sont ses buts ? Empêcher un véritable démarrage économique de ces pays qui les mettrait en position de force dans la commercialisation de leurs ressources pétrolières, minières, etc. Pour cela il est impératif d'avoir des gouvernants africains dociles. Laurent Gbagbo a des qualités et des défauts mais la docilité n'est assurément pas ce qui le caractérise, alors que Ouattara !!! (...)
Dessin - Waga Texte - Michel Lambret