Extrait de l'édito (titré Petit bilan de 6 mois) de "Béchir Ben Yahmerde" dans l'impayable mais très achetable Jeune Afrique 2630 du 5 juin : "Un dernier signe - anecdotique - indique que la fin des Kaddafi est on ne peut plus proche : l'arrivée à Tripoli, pour les défendre, de deux ténors du barreau français, Roland Dumas et Jacques Vergès. Ils s'étaient mobilisés pour Laurent Gbagbo et se sont rendus à Abidjan en mars 2011 pour le conforter en tant que président usurpateur. À peine étaient-ils retournés à Paris que leur client chutait et se rendait à ceux dont il avait usurpé le pouvoir."
Passons pudiquement sur l'ironie pachydermique du trait d'esprit et contentons-nous de rappeler que le procédé, qui consiste à faire de Vergès un marqueur, "un signe", est dû au cousin de BBY, BHL. Rappelons aussi, c'est le moment, que Jacques Vergès fut un des actionnaires initiaux et originaux de Jeune Afrique. Paradoxe pour paradoxe, rappelons enfin que Foccart a cédé en mourant ses droits littéraires à... BBY.
Associer Gbagbo à Kadhafi, au nom d'une maladie commune qui pousserait à s'attacher les services des deux maîtres relève plus de la CIA ou du Quai d'Orsay que du journalisme, serait-on tenté immédiatement de signaler... Mais pourquoi la pathétique et pitoyable pythie franco-américhienne BBY se montre-t-elle si empressée d'annoncer, de prophétiser, d'oracliser, elle qui n'est pas seulement foutue capable de se souvenir que les deux Vieux (pas) sages ne sont pas venus à Abidjan "en mars", mais en janvier...
On veut bien croire que Béchir le croulant Ben Alien (et même Ali Ben-ien), Béchir la vessie (qui se prend pour la vigie) de la Françafrique, Béchir le catastrophique crocodile du panafricanisme ontologiquement dévoyé n'ait plus, dans des bras qui ont tant levé de coupes de champagne à la santé des rois nègres, la force d'effeuiller un calendrier. Mais on ne fera croire à personne qu'on paye si mal à Jeune Afrique qu'il ne s'y trouve point un préposé à la relecture capable de corriger l'inquiétante coquille... sauf à penser qu'à l'intérieur de la rédaction du considérable et inestimable (son cours varie au gré de l'identité du client) hebdomadaire plus personne ne lit et a fortiori ne relit ce que Béchir s'écrit dessus !!!
S'il n'a jamais brillé par la qualité de sa langue (pâteuse à l'écrit comme à l'oral), en enfilant directement désormais les médiocres mais efficaces éléments de langage, de communication, en adoptant le non-style du storytelling (qui culmine avec l'apréhension de la crise ivoirienne à travers l'exclusif et malhonnête prisme d'un affrontement Gbagbo-Ouattara, comme dans les Histoire de France en bande dessinée, cf "Dans la tête de Gbagbo"), Béchir le cala-mytheux opte pour le bastringue de la propagande contre la musique des mots de la vérité : pour réussir une énième fois à infliger au lecteur que Gbagbo a bel et bien perdu les élections ivoiriennes, BBY recourt à la techniquement inacceptable répétition : "usurpateur" et "usurpé".
Le paragraphe au sujet des deux avocats coupables s'achève par l'énigmatique : "À peine étaient-ils retournés à Paris que leur client chutait et se rendait à ceux dont il avait usurpé le pouvoir." Si d'aventure, comme dans la réalité, les deux larrons en robe noire sont rentrés en janvier, jusqu'au 11 avril, ça en fait des jours, Béchir... ça en fait des morts. Si, au contraire, nous appuyant sur les dires BBY-iens, on les fait quitter Abidjan quand ça nous arrange, effectivement alors, Gbagbo chute juste derrière. (Et ça fait storytellinguement bien moins de morts).
Mais qui se cachent derrière ce "ceux", dont le réellement élu président ivoirien Gbagbo aurait "usurpé le pouvoir" ? Les FRCI de Ouattara ? Les Forces spéciales françaises ? Ou bien peut-être, qui sait, les Ivoiriens ? À considérer le nombre de vidéos, souvent tournées dans les jours suivant le 11 avril, dans lesquelles, à un moment ou à un autre, on voit, derrière les dépenaillés et angoissants hommes de Ouattara, "passer" de discrets soldats français, en train d'assister techniquement, la réponse s'impose d'elle-même... Est-ce qu'en plus de tragiquement sucrer les fraises Béchir ne serait pas en train de devenir aveugle et sourd ?
Photo - dr Dessin - Julien Texte - S.T.