Publiée le 6 juin 2013
Reportage Peggy Bruguière et Ségolène Malterre - Novembre 2012 © All right reserved
COTE D'IVOIRE
Les « gueules cassées » de la crise ivoirienne
demandent justice au président Ouattara
Un an et demi après la fin de la crise post-électorale, la Côte d'Ivoire n'a pas pansé ses plaies. L'Etat parle de réconciliation, mais beaucoup d'ex-combattants ne parviennent pas à oublier. En premier lieu, ceux qui portent les stigmates des combats. Héros d'un temps, ils sont aujourd'hui les laissés pour compte d'un pays qui cherche à tourner la page. Photo reportage de Ségolène Malterre et Peggy Bruguière.
Sur le camp de l'ex-3e bataillon d'infanterie d'Anyama, à 10 kilomètres d'Abidjan, une centaine d'ex-combattants échangent armes et tenues militaires contre un survêtement et une carte de 'démobilisé', passeport pour l'entrée dans la vie civile. L'opération est menée par l'Autorité pour la démobilisation, le désarmement et la réinsertion (ADDR), créée en août par le président Alassane Ouattara.
Effectif pour l'heure dans la seule région d'Abidjan, ce processus est censé assurer un avenir de garde pénitencier à ceux que le test psychologique et la visite médicale auront déclarés « aptes ». Pour tous les autres, l'ADDR promet des « solutions de réinsertion », sans toutefois en préciser les contours.
Mais déjà, en ville, les critiques se multiplient contre cette nouvelle autorité. En cause, le processus de sélection des 2000 ex-combattants candidats à la réinsertion. Il est en fait délégué aux anciens "chefs de guerre" qui auraient vendu les places aux plus offrants. Des personnes qui n'ont pas combattu se retrouveraient ainsi dans ce processus de réintégration.
À Abobo, les anciens combattants sont rongés par l'amertume. Dans cette commune populaire d'Abidjan, la jeunesse a pris les armes contre les hommes de Laurent Gbagbo pour défendre le candidat élu, Alassane Ouattara. Parmi eux, beaucoup ont été blessés au combat. Là, où ils espéraient une prise en charge, ils n'ont jamais été approchés par les autorités depuis la guerre.
Massouma était chauffeur de taxi avant de rejoindre la rébellion à PK18, ce quartier d'Abobo où les affrontements entre les pro-Ouattara et les Forces de sécurité de l'ancien président ont été les plus sanglants. Touché d'une balle dans la cuisse en avril 2011, il est aujourd'hui incapable de conduire : le plomb est toujours logé dans sa jambe, la plaie à vif, mais il n'a pas les moyens de se faire opérer. C'est le docteur Krouma, connu dans le quartier comme le dernier recours de ces nouveaux indigents, qui lui fait gratuitement ses pansements et lui administre des piqûres antibiotiques quand sa maigre pharmacie le lui permet.
Des vies brisées comme celle de Massouma, il en existe dans toute la Côte d'Ivoire. Rencontre en images avec les combattants oubliés de la crise post-électorale.