Alors que la pluie tombe sur ton toit,
Et que tu regardes à tes côtés,
Fouillant du regard
L'amie qui un jour t'a promis de t'accompagner,
A travers vents et marées,
Vers les sentiers tortueux du destin.
Mon Frère,
A toi l'être le plus fragile
Qu'il m'ait été donné de connaître,
Je voudrais dire,
Ne fouille plus,
Ne cherche plus dans l'humain
Ce qui te fait fondre en larmes.
En cette heure fatidique
Mon Frère,
Toi qui as pris sur toi de me défendre,
Malgré moi bien des fois,
Toi que j'ai très souvent vu fondre en larmes,
Dans le secret, dans la douleur
De la trahison, de l'inimitié,
Dans l'incompréhension face à la haine vile.
A toi,
Je veux dire,
Regarde dans les pages de ton coeur
Les instants que nous avons partagés
Sous la lune,
A rêvasser, à refaire le monde,
A le penser et à le repenser.
Songe à toutes ces fois où
Même lorsqu'affaibli par le poids de l'épreuve
Tu avais encore l'énergie de me consoler
De me raviver, de me fortifier.
Mon Frère,
Bien qu'aujourd'hui tout semble fini,
Et moi loin de toi,
Je voulais te demander de te souvenir
De ces jeunes rassemblés sur la place de la République,
De ces jeunes qui ont bravé le feu de la force Licorne
A l'hôtel Ivoire,
De ces jeunes qui ont donné de leurs corps face aux missiles français,
De ceux-là encore qui ont bravé la police française sur son sol,
Dans les rues de Paris - Les mains nues.
Hey Mon Frère,
NON,
Ce n'est pas le moment de flancher.
NON,
Ce n'est pas le moment de faiblir.
Nous avons cheminé si longtemps,
Perdu tant d'êtres aimés.
Nous avons tant donné...Tagro et tant d'autres.
Mon Frère,
Je sais que c'est dur,
Mais souviens-toi de ta vie à Abidjan,
De tes souffrances - de LA souffrance.
Souviens-toi de tous ces moments où nous avons presque lâché la lutte.
Mais toujours tu nous as relevés, galvanisés, encouragés.
Aujourd'hui, tu sembles seul
Mais tu ne l'es pas.
Des milliers d'âmes t'accompagnent.
Celles des pères fondateurs.
Celles de tes ancêtres.
Celles de l'Afrique Digne.
Mon Frère - Mon Camarade,
Garde la foi dans le combat.
NON, ce n'est pas fini.
On est dans la vallée,
Mais Tu sais comme moi que seul le Temps,
Seul le temps nous démontrera que nous avions raison de croire.
Mon Frère,
Le Temps leur est compté car ils sont dans le faux.
Le Temps leur est compté car ils n'ont pas de repère.
Le Temps leur est compté car ils n'ont plus rien d'humain.
Ce sont des âmes qui errent dans le tumulte de leurs méfaits.
Le Temps lui nous est acquis car nous comptons avec lui.
Le Temps, le Temps, le Temps.
"Le Temps c'est l'autre nom de Dieu."
Mon Frère, A toi le Temps.
A Koudou Gbagbo - que les battements de ton coeur apaisent le doute et réconfortent ton âme dans l'épreuve.
NON, Mon Frère, ce n'est pas fini !
Photo - Anna Ali Texte - Abide Bebe