Jérôme Reijasse n'a peut-être même pas 40 ans. Supporter du PSG, donc homme déçu. Écrivain (Parc). Journaliste chez Rock'n Folk. Traducteur pour les rockeurs à la télé. Lyrique. Exalté. Capable de trouver des raisons de vivre valables dans un groupe ou un artiste encore incontrôlé. Proposera chaque lundi désormais ses 7 Jours loin du monde aux lecteurs du Gri-Gri.
Il y a des semaines comme ça... On se traîne, on piétine, on doute de tout. Les amis ne décrochent pas leur téléphone, le travail n'offre pas la moindre fuite, le soleil a beau hurler, rien n'y fait. Le vide. Pas envie de se lever, pas envie d'avancer, pas envie de parler, pas envie de construire, pas envie de se coucher. Un poids de dingue sur les épaules, une solitude d'habitude recherchée qui se transforme en un monstre dégueulasse, capable de détruire chaque désir, chaque vision. Petite crise d'existence, bien sûr risible mais qui gangrène tout.
Écrire une phrase relève alors du supplice, descendre cinq étages pour se nourrir, pour acheter des clopes, devient un véritable calvaire. Qu'est-ce que je fous là à m'agiter, à essayer encore ? Pour quoi ? L'ambition est une pute aux charmes trop lourds, la création un mythe réservé aux plus fous.
Il y a tant de choses à faire et si peu de magie à espérer... Lassitude.
Et puis, sans savoir d'où ça vient, tu te lèves, tu enclenches l'automatique, tu te déplaces parmi les humains, tu parles, tu prévois, tu assumes, tu y vas. L'esprit comme brûlé à la chaux. Robot moderne, faux cul avec les autres, avec lui-même. Perdu au milieu d'un monde qui ne convient à personne. Petit robot trouillard, vidé, pas franchement attractif. Pathétique.
Lundi, je croise quand même le duo danois exilé à New-York, The Raveonettes. Il est à Paris pour parler de son très recommandable cinquième album, Raven In The Grave, complainte cold-wave aux accents bruitistes, comme si un ange déchirait les Cieux de ses larmes acides. Une belle promenade en terre païenne, mélange intime de violence et de rédemption.
Mardi, je pousse jusqu'à Saint-Ouen pour dîner chez Vincent, ami d'enfance que je vois trop peu (il n'y est pour rien. Tout est de ma faute, à moi et à ma putain d'incapacité à encore croire aux échanges). Le repas est délicieux, l'ambiance bucolique, dans ce jardin minuscule qui semble narguer avec un courage remarquable le béton roi. Je me sens bien, là, en proche banlieue, au milieu de ces trois enfants rigolards et malins, de Vincent, de sa femme Anne... Ils m'offrent quelques instants de paix. Ce sont mes amis. J'ai eu beau trop souvent leur imposer mon silence, ils sont là, encore.
Mercredi. Place de Clichy, je présente à Mano, l'écrivain, un comédien, Nicolas G. Mano, en guerre contre le petit monde de l'édition, a décidé désormais de mettre gratuitement en ligne ses écrits, sous forme de roman audio. J'ai pensé que ce serait une bonne idée que Nicolas enregistre la voix du Président, le héros de son dernier ouvrage, Le Peuple Amoureux. Au départ, Mano voulait que je m'en charge. Mais je ne suis pas acteur. Menteur à la rigueur. Mais pas acteur. À suivre.
Dimanche enfin, je rencontre dans un bar proche de Bastille les Shades, le groupe signé sur le label Tricatel, celui de Burgalat. 5 gamins (moyenne d'âge 21 ans, les connards !) aux tronches d'éternité. Ils doivent me parler de leur prochain disque, un 5 titres intitulé Contre La Montre (disponible en septembre). Il faudra ensuite écrire la bio du truc, comprendre l'argumentaire promotionnel qui sera envoyé avec les cds aux médias. Décontractés, ils ne jouent pas, ils sont. Petit gang bien soudé, même pas narquois, non, juste à leur place, cohérents, habiles, habités, les Shades ne singent rien, ils incarnent. J'aurais aimé en faire des tonnes sur leur mini album, écrire à quel point leur pop dégage une identité pas possible, etc... Mais je n'ai pas encore reçu les chansons. Allez savoir pourquoi, j'ai de toute façon envie de les aimer. Parce qu'ils sont l'avenir, parce qu'ils donnent l'impression d'avoir passé un pacte invisible. Parce que quand ils se marrent, ça ne pue pas le soufre, le post modernisme et le slim émasculé. Parce que Burgalat.
Crève, semaine moisie !
Texte & photo - Jérôme Reijasse