Jérôme Reijasse n'a peut-être même pas 40 ans. Supporter du PSG, donc homme déçu. Écrivain (Parc). Journaliste chez Rock'n Folk. Traducteur pour les rockeurs à la télé. Lyrique. Exalté. Capable de trouver des raisons de vivre valables dans un groupe ou un artiste encore incontrôlé. Proposera chaque lundi désormais ses 7 Jours loin du monde aux lecteurs du Gri-Gri.
Lundi, tout commence très mal. C'est normal, c'est lundi. Jesse Garon, prophète oublié... Je dois me lever tôt pour faire la queue avec Karim et Vincent au Parc afin d'acheter nos places pour la finale de la Coupe de France contre Lille (SDF le 14 mai). En arrivant, j'aperçois un camion garé côté Auteuil, avec une pancarte disant “France Débarras”. Pas mal. Plus de deux heures à patienter, sous une pluie discrète, encerclé de couillons, de deux frères jumeaux muets et presque nains, de clônes pompiers de Sefyu, du sosie peut-être officiel de Patrick Dils. Arrivé enfin au guichet, un jeune au sourire débile m'apprend qu'il n'est pas possible d'acheter 4 places. Seulement 3. Karim dit : “On n'a pas le droit d'être à quatre potes mais on a le droit d'être à quatre pattes”. Pas mieux. Ronan, autre ami, est donc sacrifié sur l'autel de la stupidité. Je sors de ce piège comme humilié, puni. La façade du Parc, désormais dédiée au respect, à la tolérance, au droit des hommes, mouchetée de logos très contemporains (Licra, SOS Racisme, Paris Foot Gay), me donne le vertige. Fuir, vite, fuir, fuir... Lundi toujours, les médias en font des tonnes sur l'assassinat de Ben Laden et sur le racisme de la FFF. Alors que la vraie info, c'est bien sûr la confirmation que l'année prochaine, le gardien du PSG sera Nicolas Douchez. J'imagine notre gros Edel seul, en larmes, dans sa chambre, engloutissant des dizaines de donuts, maudissant les Dieux du foot. La solitude du goal... Pendant que Thuram continue de croire que de porter des lunettes suffit à rendre intelligent (une tof entre Blacks, mec ?) et que Marc Édouard Nabe s'énerve dans le vide chez Taddéï, je parcours l'ouvrage de Karim qui vient de sortir et qu'il m'a gentiment offert, Descente Interdite (chez Alternative/Wasted Talent). Des mois et des mois que je le voyais s'acharner, transpirer, que je l'entendais me parler de ce livre-odyssée qui avait pour but de raconter l'histoire de ces anonymes qui, depuis trois décennies, descendent dans le métro armés de bombes de peintures. Pour rien, pour la beauté du geste, poésie vandale. Le livre est enfin là, 400 pages, un monument ! Il y a tout, enfin, il y a beaucoup (un volume 2 est prévu, pauvre Karim, dormiras-tu à nouveau ?), des centaines de photos, des époques qui se croisent, des gamins floutés ou pas, ravis d'être là. Des textes, des existences qui se souviennent, des témoignages qui débordent d'absolu. Du travail sérieux donc. Karim, c'est une personne aimable, qu'il parle de ALF, de Visconti ou de Sammy Traoré, qui ne lâche jamais l'affaire non plus, à la curiosité vivace et rigolarde. Son bouquin, je vais le lire, je vais plonger dans cet univers qui m'est totalement étranger (mon seul tag est et restera une croix de Lorraine hâtivement déposée sur un mur de province, un soir de 1985, comme ça, pour voir). Je vais l'aimer, ce livre gargantuesque. Aucun doute. Il est toujours rassurant d'avoir des amis compétents, motivés, pas encore tout à fait corrompus, des mecs capables de sortir leurs tripes juste par passion. Karim donne envie de se battre pour vivre encore. Je prends. J'aurais aussi pu parler de ma visite de l'exposition Kubrick à la Cinémathèque vendredi mais non. Les musées me dépriment. Toujours peur de cotoyer d'aussi près la mort, l'avant, le génie ? J'aurais pu dire que j'ai enfin lu jeudi le formidable Casse-Pipe de Céline. Que l'album des Strokes acheté en vinyle mardi m'a vraiment déçu. Que Mourinho, même quand il déconne, reste admirable. J'aurais pu... J'aurais pu me pendre également. Mais le BHV n'avait plus de cordes en stock et Karim a encore des livres à écrire et des films à réaliser alors... Et puis, je vais bientôt être père. La mort peut donc bien attendre un peu... Samedi, je revois, pour la première fois en 20 ans, Les Visiteurs du Soir, de Carné. Enfant, ce film m'avait bouleversé. Aujourd'hui, presque vieux, mes larmes se souviennent. Beau.
Texte & Photo - Jérôme Reijasse
PS : l'épisode 1 ici
Bonus :