Jérôme Reijasse n'a peut-être même pas 40 ans. Supporter du PSG, donc homme déçu. Écrivain (Parc). Journaliste chez Rock'n Folk. Traducteur pour les rockeurs à la télé. Lyrique. Exalté. Capable de trouver des raisons de vivre valables dans un groupe ou un artiste encore incontrôlé. Proposera chaque lundi (même si des fois ça tombe le mardi ou le mercredi) désormais ses 7 Jours loin du monde aux lecteurs du Gri-Gri.
Fallait-il regarder le téléfilm de Canal se proposant de raconter la vie de Pierre Goldman, l'activiste -guerrillero-pigiste-écrivain-musicien muy caliente assassiné sur le trottoir parisien, un jour de septembre 1979 ?
Non.
Tout d'abord parce que Samuel Benchetrit, l'acteur choisi pour incarner le demi-frère du chanteur à succès, n'en est pas vraiment un, d'acteur. Rien d'étonnant ni de choquant. Il publie des livres sans être écrivain. On pourrait dire qu'il ressemble à Goldman mais même pas. Le syndrome Alain Deloin. Benchetrit est moins physique, plus enfant.
Là, il en fait des tonnes, crie même quand on ne lui a rien demandé, on dirait, avec son petit blouson en cuir, plus un BB Brunes qu'un voyou des années Pompidou-Giscard, fume clope sur clope comme s'il savait que bientôt, elles allaient être interdites et surtout, imite maladroitement tout au long du film l'Hyppolyte Girardot d'Un Monde Sans Pitié, d'Éric Rochant. Horripilant.
On assiste à la création d'un mythe riquiqui, juste après le Grand Journal et avant l'énième laïus promotionnel de Laurent Weil (l'homme qui JAMAIS n'osa dire du mal d'un film). Et en grande pompe, avec avalanche de bandes-annonce et tout le bordel. Le service fiction de la chaîne cryptée est décidément obsédé par cette période de notre histoire. Canal se rêverait-il en Libération cathodique ? Sont-ce les enfants pistonnés des 68tards, qui, culpabilisés par le fric et le pouvoir de papa et maman autrefois lanceurs de molotov et de slogans, ont décidé de rallumer la mèche de l'insurrection ? Ah, ça fantasme dur. Ça mouille devant les flingues, les rues d'émeutes, les actions d'éclat et les couilles des autres. Il suffit pourtant de lire les quelques lignes que Bauer a consacré à Goldman, son ami pourtant, dans son bouquin pour comprendre que le jeune homme n'était pas sérieux. Et puis, le téléfilm insiste lourdement sur le fait que Goldman était juif. Ah bon ? Ca revient, encore et encore et encore et encore. Une scène est même vraiment limite. Un braquage: le braqué, dit, alors que Goldman le pointe avec un flingue: “Vous êtes juif ?”. Puis, en hébreu,“La honte sur toi”. On passe du vouvoiement au tutoiement et on sent que cette remarque déstabilise le petit bandit parigot. Comme un déclic. Un Juif qui vole un autre Juif, scandale, circonstance aggravante, sacrilège. Si ça avait été un Arabe ou un Pakistanais ou un Chinois ou un Martien, c'était moins grave, plus cohérent, c'est ça ? Il a fallu aux scénaristes trouver un angle bizarre, malade presque. Tout ça pour tenter de réhabiliter un truand, en tout cas lui fournir des excuses, un destin. Pour lui offrir une dimension presque (sur)humaine. On termine le téléfilm sur des images d'archives montrant les 15 000 personnes venues à son enterrement, des anonymes, des VIP (Sartre et sa grosse, Montand et la sienne). Et tant pis pour les deux pharmaciennes flinguées en 1969 du côté de Bastille. Là, on ne saura jamais la vérité. Peu importe. Elles n'avaient qu'à être glamour. Emportées. Généreusement révolutionnaires. Les connes.
On peut lire quand même Souvenirs Obscurs d'un Juif Polonais Né en France, écrit par Goldman en prison et trouvable pour pas cher en poche. Mieux. Et il avait un style, lui.
Sinon, 40 ans vendredi.
Les chiffres ne disent rien mais quand même.
La grande horloge poursuit son oeuvre.
J'écoute “Les Villes de Grande Solitude” de Sardou dans mon salon.
40 ans.
Bientôt un fils.
Et DSK qui rentre la queue entre les jambes (déjà prête à (re)bondir) et le silence assourdissant, Larqué et Rolland qui se reforment mardi prochain sur M6 pour Roumanie-France (Oh la faille spatio-temporelle ! Madeleine rance), Audrey Pulvar en mode fushia chez le nouveau Ruquier et Zemmour qui manquerait presque, Naulleau pas du tout. Et une nouvelle rentrée, sans cartable ni professeurs. 40.
Que la Révolution aille se faire mettre.
Photo & texte - Jérôme Reijasse
Bonus :